Dans la Grèce antique il n'était pas exclu de considérer la passion amoureuse comme une maladie et avec bien des arguments pour cela. Cet état si commun ne conduit-il pas, celui qui le subit, a avoir un comportement étrange qui lui fait surestimer l'objet de sa passion, lui faire accomplir des actes parfois dangereux voir insensés témoins de sa perte subite du sens des réalités, et peut même le conduire dans certains cas a commettre des actes délictueux voir criminels dont les tribunaux ont trop souvent a traiter. Dans des temps pas si anciens les familles dont les enfants se trouvaient atteints de ce mal avaient recours a divers artifices pour tenter de calmer l'impétrant et de faire en sorte de faire obstacle aux décisions les plus périlleuses. On faisait voyager le jeune homme ou la jeune ingénue et loin des yeux loin du coeur on espérait que le calme reviendrait dans les coeurs autant que dans les esprits et que des comportements plus sages en résulteraient. Pour l'instant aucun laboratoire ne s'est senti capable de proposer une pilule contre le "mal d'amour". Pourtant ce serait, tout bien considéré, assez logique.

Il existe aujourd'hui en somme deux sortes de populations susceptibles de consommer massivement des médicaments : les pays pauvres qui sont malheureusement insolvables et les pays riches qui dans l'ensemble peuvent payer mais dont l'état de santé est globalement couvert par des pilules dont le principe actif est entré dans le domaine public et ne rapporte rien. Il y a bien sur la possibilité d'introduire quelques biais mais pour cela il faut être un peu malin. Par exemple convaincre la population qu'il existe un lien fiable entre l'hypercholestérolémie et le diabète. C'est une hypothese crédible mais en ce domaine rien n'est définitivement acquis. Seule certitude : on  peut faire baisser le cholestérol avec des médicaments donc il suffit de transformer l'hypothèse en certitude et le tour est joué.

Il existe a propos de la pensée scientifique une zone grise, une zone dans laquelle on peut légitimement formuler des hypothèses mais le processus qui conduit a valider les dites hypothèses peut s'avérer très long, donc couteux. La tentation est grande de jouer plutôt sur la crédulité que de se donner le temps de progresser vers une conclusion qui peut aussi bien conduire à des deceptions qu'a des découvertes effectives.

De plus il s'agit de convaincre le plus grand nombre de l'intérêt de cette démarche qui ressemble parfois d'assez près à celle décrite par jules Romain dans l'incontournable Knock. Car si l'on arrive a convaincre tout un chacun qu'il est peut être malade et que cette supposée maladie non seulement lui procure de nombreux inconvénients dans sa vie de tous les jours mais de plus pourrait être guérie par l'achat d'une simple pilule, on entre dans le domaine d'une relation simple a laquelle seuls les imbéciles pourraient refuser d'adhérer.

Le defaut fondamental de la psychanalyse c'est d'inviter tout un chacun a penser la complexité de sa vie dans sa relation aux autres, à son histoire et pour tout embrouiller à son propre inconscient. La philosophie emprunte la même voie mais elle ne peut que considérer le problème que dans son ensemble et ne peut se pencher sur chaque cas particulier.

Cette complexité concerne tout autant chacun de nous mais plus encore ceux qui sont en charge du soin dans la société a savoir les médecins. Pour pouvoir entrer dans la complexité inhérente a chaque patient encore faut-il avoir été formés à cela et disposer du temps nécessaire donc de la rémunération équivalente au temps passé. Ce n'est hélas plus le cas. Il ne reste donc plus d'autres solutions aux médecins et en particulier aux médecins généralistes qu'a se soumettre à l'air du temps en donnant quitus a ce qui va dans le sens proposé par le patient qui répète ce qu'il a lu entendu ou trouvé sur internet.

C'est vrai que vivre est compliqué. C'est vrai que vivre en couple est compliqué. C'est vrai qu'être parent est compliqué. C'est vrai que vivre dans notre société en mutation est compliqué. J'ai le sentiment que cela n'a jamais été simple de toute façon, mais sans doute différemment d'aujourd'hui. En tout cas cette hyper activité  de l'enfant , de l'adolescent et bientôt de l'adulte, dont il est ici question, est le témoin hélas, le symptôme en somme, de l'état actuel des relations de l'individu avec la médecine et de la rapide perte de repères dans tout ce qui concerne la réflexion en ce domaine.

Patrick Landman a le courage de faire le tour des arguments qui ont conduit a construire ce pseudo syndrome de l'hyper activité  de l'enfant qui touche maintenant jusqu'à 20% des enfants américains et dont le trop fameux DSM 5 vient d'abaisser les critères pour accentuer encore cette véritable épidémie qui ne saurait épargner la France et dont on ne peut manquer de noter les premiers effets sur les consultations en pédopsychiatrie. Landman a le courage et l'honnêteté de dire que les amphétamines dont la fameuse Ritaline ont des effets calmants sur un certain nombre de patients et qu'ils peuvent dans une certaine mesure améliorer la concentration de ceux qui acceptent d'avaler ces produits. Cela doit-il suffire pour autant pour valider l'hypothèse d'une maladie correspondante a savoir l'hyper activité ? Toute la question est la. Et plus encore, le fait que les psychostimulants possèdent ce pouvoir nous conduit-il a en déduire une origine génétique, une localisation cérébrale et je ne sais quoi d'autre encore? Les drogues ont toujours fait partie des sociétés humaines et les sociétés primitives pas plus que celle qu'on dit évoluées n'en ont pas l'exclusivité. Les médecins possedent seulement le rare privilège de pouvoir les prescrire légalement. Quant a savoir quels effets a long terme ces prises de drogues peuvent provoquer la question reste ouverte. Apres tout le tabac, l'alcool, le cannabis , ont des effets sur le psychisme. Je pense qu'on l'a toujours su, simplement ces produits addictifs ont un peu trop montré certains aspects plutôt inquiétants de leurs effets a long ou moyen terme. La consommation des produits dits psychoactifs si elle fait souvent l'objet d'une dénonciation par les médias et les autorités supposées compétentes celle-ci n'a  pas entrainé la fin d'une spirale qui n'en finit pas de monter et dont les rouages qu'évoque P. Landman sont pourtant bien identifiés.

Je salue le courage de son entreprise et pourtant si l'on veut être réaliste, on doit se rendre a l'évidence : Il sera bien difficile d'échapper a l'épidémie qu'il nous annonce et à laquelle tous ceux qui sont conscient du danger qu'elle représente sont invités par cet ouvrage à se mobiliser pour y faire obstacle. P.Landman en s'adressant avec ce livre au grand public comme aux médecins fournit ici a ceux qui veulent bien accepter d'y réfléchir , les informations nécessaires a une juste appréciation du problème posé par la naissance de ce nouveau et improbable syndrome.