trace du maternel dans le religieux

On sait combien la question religieuse est aujourd’hui une question brûlante. Elle nous interpelle en tant que citoyen, tant elle semble renaître de ses cendres à travers le monde. Nous ne prêtons, peut-être à tort, que peu d’attention aux quelques groupuscules des catholiques intégristes qui s’agitent ici où là de façon sporadique. Pourtant les récentes mesures prises par le gouvernement espagnol concernant la réglementation de l’avortement devraient nous alerter. L’expansion à travers le monde des évangélistes de tout poil est un phénomène dont on ne mesure pas l’ampleur. Au Brésil, pays conquis de longue date par le catholicisme, ce dernier est sur la défensive et en passe de devenir minoritaire dans le pays. En Afrique le phénomène prend de l’ampleur même si les pays de tradition musulmane résistent parfois en se divisant comme au Sénégal. L’antisémitisme, qu’on ne saurait confondre avec l’opposition à la politique actuelle d’Israël, semble lui aussi pointer à nouveau le bout de son nez en France mais aussi dans le monde. Quant à la religion musulmane et ses deux composantes en lutte fraternelle du Sunnisme et du Chiisme elle fait la une de nos différents médias tant elle est présente dans la fureur du monde.

Les psychanalystes se sont, depuis Freud, souvent interrogés sur le phénomène religieux. On sait qu’au travers principalement de deux ouvrages « Totem et tabou » et « L ‘homme Moïse et le monothéisme » Freud s’est longuement penché sur cette question. Sa correspondance avec ses élèves et notamment Férenczi, mais aussi avec des personnalités comme Romain Rolland où le pasteur Pfister témoignent de cet intérêt voire de cette préoccupation, de ses doutes aussi. Les réactions violentes n’ont en retour pas manqué après la publication de ces ouvrages.

Patrick Merot, sans remettre en question l’avancée décisive de Freud dans ce domaine, s’interroge sur ses limites tant dans le champ couvert par Freud qui semble ignorer bon nombre de religions monothéistes, que son orientation systématiquement tournée vers le père. Chaque fois nous dit P.Merot que la dimension maternelle apparaît au détour d’une phrase ou d’un échange avec ses interlocuteurs, elle est tout de suite écartée au profit de la place du père dans la constitution du religieux.

P.Merot reprend en les commentant les travaux des psychanalystes qui, après Freud, se sont penchés sur cette question et principalement Winnicott, Bion, Laplanche, Ballestrière et Lacan qui traite longuement cette question dans son séminaire « L’éthique de la psychanalyse 1959-1960 ». « La chose » Das Ding y trouve ses premières définitions.

P.Merot souligne avec insistance la différence à opérer entre les pratiques religieuses et le sentiment religieux « océanique » de fusion avec la mère. Avec les auteurs cités il reprend le parcours des premières relations avec la mère retrouvant dans le travail de « l’Esquisse… » ce que Freud lui-même avait largement contribué à défricher.

C’est avec la dimension mystique que la mère prend toute sa place. La correspondance de Freud avec Romain Rolland témoigne bien du fait que Freud n’ignorait rien de cette question cependant chaque fois que le rapport à la mère domine leur dialogue, Freud se reprend en quelque sorte pour toujours revenir au père comme s’il craignait en donnant à la mère une place fondatrice d’oublier tout ce qu’il a pu découvrir et rapporter à la dimension paternelle.

Le dernier paragraphe du dernier chapitre intitulé : « passer de la mère au père » s’intitule : « Un dégagement du maternel qui n’est pas effacement » . Il signe et résume l’apport de ce travail. L’écriture en est agréable, le propos accessible à tous les publics intéressés par la psychanalyse. Sa reprise des travaux antérieurs permet une remise en perspective des travaux des psychanalystes et de ceux de Freud lui-même. L’intérêt pédagogique est donc certain et c’est un ouvrage à la fois utile pour le public éclairé et les professionnels.