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Ferenczi, la psychanalyse autrement d'Éduardo Prado de Oliveira
Parmi la moisson des livres sur Ferenczi que ces dernières années nous ont apporté, un me semble mériter un intérêt particulier, au regard de l’énorme masse documentaire qu’il comporte et de sa manière pionnière d’éclairer la théorie par la correspondance et la vie qui y est décrite. Voilà bien un livre indispensable à tout analyste et analysant. Je pensais lire une biographie de Ferenczi. Prado de Oliveira nous offre ici pas moins que l'histoire de la psychanalyse, une anthropologie clinique de cette discipline, de ce dont elle est faite, de ce dont elle procède.
Le dessein est de nous donner à voir que la créativité clinique est la vertu majeure du bon psychanalyste et qu’elle doit beaucoup au travail du génial et inventif Ferenczi.
Entre 1910 et 1930 Ferenczi est le psychanalyste le plus proche de Freud. Ils échangeront plus de mille lettres. Dans cette relation complexe qui se détruit un jour, s'élabore l'histoire du mouvement psychanalytique et une solide théorie de la clinique jamais achevée. Parallèlement à une "supervision mutuelle" les deux hommes dans un pilpul talmudique épistolaire poseront les différents concepts fondamentaux de l'association libre, du dispositif du divan, de la fréquence des séances.
Ferenczi sera le pionner d'un ensemble d’initiatives cliniques, dont l'analyse active qui aménage en même temps qu'en s'en exonérant les doutes soulevés par le double dispositif de la libre association et de l'attente flottante. Le lecteur découvrira le principe de l'adaptation de la famille à l’enfant et l'annonce des travaux de Mélanie Klein. Il verra aborder la relaxation, la confusion des langues entre adulte et enfant, l'amphimixie, l'autotomie, la bio analyse, le concept de l’élasticité de la technique psychanalytique.
A chaque fois, Ferenczi est le défricheur. La notion d’introjection, par exemple, s'invente chez Ferenczi, se voit incorporée dans le canon de la psychanalyse par Freud aidé d’Abraham pour mûrir chez Klein puis Lacan. Prado de Oliveira nous dévoile un Freud souvent buté, se sentant attaqué par un disciple brillant et contributif. Au fil des pages apparaît un Freud intégrateur, souvent chapardeur et un Ferenczi inventeur, concepteur, bousculant nos certitudes. Ainsi, les deux F vont fonder communément, par leurs pensées, leurs études et leurs querelles, la psychanalyse des origines et celle d’aujourd’hui.
Les querelles entre les deux hommes sur la technique active, sur la fin de l’analyse, sur le rôle du patient et de l'analyste, sur la dialectique entre injonctions pénalisantes et interdits appelant à la désobéissance, interrogent notre propre clinique.
Et la clinique, voilà ce qui intéresse Ferenczi. Lorsqu'il postule que le transfert est un phénomène généralisé, ceci nous "cause" encore aujourd'hui.
La psychanalyse n’apparaît plus comme la création du seul Freud mais comme une création sédimentée chez Freud, et où l'apport des recherches d'un Ferenczi à la curiosité insatiable, avide de connaissance et en proie à sa propre névrose est prodigieux.
Ensemble, ils vont propulser la psychanalyse, qui acquiert les contours du génie inventif de Ferenczi. C’est ce que nous pouvons découvrir et redécouvrir dans le livre de Prado de Oliveira. Ferenczi, mort trop jeune aura su provoquer son maître de Vienne tout en le préservant. On se souvient de cette aporie rusée lancée par lui à Freud "J'ai raison puisque vous avez été mon analyste". Qui d’autre aurait pu être l'analyste de Freud?