J.Cooren nous raconte une aventure, son aventure de l'exercice de la psychanalyse.

Cet auteur propose un éclairage original pour nous faire comprendre sa pratique. Il s’appuie des idées développées par le philosophe Derrida ainsi que ses rencontres avec des auteurs littéraires comme Faulkner et Saramago.

Ainsi, par le biais d'images, d'analogies, de vignettes cliniques, J. Cooren nous fait ressentir, redécouvrir, et repenser la démarche analytique.

Il nous transmet formidablement bien sa foi en la psychanalyse, et ce que l'analysant et l'analyste « durent et endurent ».

Cette foi, comme il le précise, reste pleinement laïque et doit se laisser déconstruire. Elle prend racine en un lieu « qui d’une certaine façon n’existe pas sinon par sa performance ».Cette voie patiente, mais fructueuse, du suivi analytique, permet d'explorer ce qui est étranger à soi même et de s'ouvrir un peu plus à l'humain et à ce qui est inhumain en soi.

Par ce jeu « d'écritures » à deux, « une réécriture » est possible, permettant de sortir de l'enfer de la répétition et de redonner une architecture nouvelle en soi même. L’écriture de cette archive est une écriture dynamique « en attente de réécriture, en attente de lecture et en attente aussi de relecture ». Cette écriture se constitue au fur et à mesure, dans un après coup.

J. Cooren nous parle de cette cruauté qui sommeille au plus profond de nous même. Et c'est ainsi que, lorsque le processus de liaison n'a pu se faire entre Eros et Thanatos, ressurgissent les différentes formes de la cruauté (activités meurtrières, mortifères, « meurtre de l'âme » par l'effacement des pensées).

Il nous livre une analyse intéressante de ce processus singulier qu'est le transfert en lui rendant sa fonction de « moteur de recherche ». Il constitue pour lui un « texte hanté et hantable » mais à déchiffrer à deux.

J. Cooren s’appuie sur l’analogie qui existe entre le discours de l’inconscient et le poème. Ce discours « ressemble à une lecture à haute voix de plusieurs fragments de poèmes en partie effacés ou caviardés ou éparpillés » .

Comme il le précise, l'analyse n'est pas l'exploration et la lecture d'un guide touristique ; il faut fuir cette surinterprétation, renoncer à la systématisation d’une conduite à tenir, au risque de multiplier les faux selfs.

C'est à chaque fois un voyage analytique unique, durant lequel s'opère un « déplissage » de la douleur du patient, dans lequel l'analyste doit apprendre à se méfier de son savoir pour ne pas venir recouvrir le savoir issu de l'analysant.

Enfin, selon lui, la psychanalyse, par l'aide qu'elle apporte à la compréhension de cette « cruauté psychique universelle», a aussi un rôle à jouer sur la scène publique.

En effet, elle est « une culture au service de l'homme en ce sens qu'elle peut, non seulement en attendre des effets thérapeutiques, mais aussi contribuer à le civiliser ».

Elle est en mesure de modifier l'écriture psychique individuelle et d'influer sur l'écriture trans-générationnelle et collective. Elle a donc une responsabilité à jouer dans l'avenir de la société.

A travers ce livre, cet auteur, par son engagement dans l'exercice de la pratique analytique est un véritable « passeur » de savoirs et d'expériences.

Stéphanie ZAMIA