un doute infini l'obsessionnel en 40 leçons

La Rentrée, Quelle Rentrée?

Les français semblent vouloir jouer avec le temps. Ce qui était prévu en mai ou juin ou juillet se retrouve en septembre. Comme si, par l'opération du Saint Esprit, tout pouvait être décalé de trois mois ? Sans doute avec le secret espoir que la rentrée verrai tout ce désordre effacé. Donc, on fait comme si, une rentrée Canada Dry en quelque sorte, avec un mois de mai qui se retrouve en septembre et des "évènements" qui se bousculent.

Rentrée éditoriale en pointillés. On imagine bien que l'été n'a pas été très serein du côté des petits éditeurs. Quant aux grands, on les suppose plus attentifs à la rentrée littéraire qu'à celle des publications des psychanalystes. 

Mon ami Alain Abelhauser qui a obtenu le "Prix oedipe des Libraires" pour son livre "Mal de femme" m'a proposé de publier en "bonnes feuilles" un court extrait de son prochain ouvrage qui doit sortir début septembre. Les voici donc en avant première. 

Bonne "rentrée" à tous

LLV

L e s    b r e t e l l e s  e t        l a        c e i n t u r e

L'une des scènes mineures d'Il était une fois dans l'Ouest montre un assez triste personnage, vil, lâche et félon, venir faire son rapport à Frank – le méchant absolu, interprété par Henry Fonda –, parachevant ainsi tant son rôle que sa traîtrise. Henry Fonda, en vrai méchant, prend bonne note des informations qu'on lui apporte mais n'en sait aucun gré au traître et lui marque son mépris. « Rappelle-toi bien que je n'ai aucune confiance en toi », lui dit-il en substance et en conclusion. « Mais pourquoi ? » proteste le félon. La réponse de Fonda est de toute beauté. On s'attend à ce qu'il déclare qu'on ne peut jamais avoir confiance en quelqu'un qui trahit. Mais pas du tout. Il réplique tout simplement : « parce que tu mets des bretelles et une ceinture ». Et devant l'incompréhension de son interlocuteur, il condescend à préciser : « comment veux-tu que j'ai confiance en quelqu'un qui, de son côté, n'a même pas confiance en son propre pantalon ? »

L'intérêt de ce mince dialogue tient-il au fait qu'il met en scène l'une des figures classiques de l'obsessionnel, celle de son doute, ici portée à son expression la plus intime :

«  je n'ai confiance en rien, je doute de tout, et de mon propre pantalon bien plus encore que du reste » ? Certainement, mais pas seulement, et de loin pas. Bien sûr, l'obsessionnel doute, au point de faire système de son doute, de l'ériger en logique, d'y appendre une forme d'éthique, et de savoir, à l'occasion et non sans humour, s'y reconnaître tout entier. Mais si je retiens cette minuscule vignette, ce n'est pourtant pas parce qu'elle offre un exemple, un de plus, de la diversité des lieux où peut aller se nicher le doute obsessionnel. C'est parce qu'elle me paraît illustrative de bien autre chose : du rapport même qui unit l'obsessionnel à la structure qu'il habite.

Ce dont doute l'obsessionnel, avant toute chose, et de la façon la plus fondamentale qui soit, c'est de la structure elle-même, ou plutôt de la garantie que doit lui offrir la structure de maintenir en l'état son désir : irréalisé. Aussi, doutant de l'efficace de la structure, doutant de la capacité de la structure à préserver son manque, l'obsessionnel consacre-t-il une bonne part de sa vie à « doubler » cette structure, à la capitonner, à parer à ses éventuelles défaillances par une organisation censée exercer la même fonction. Là, en somme, où l'hystérique passe son temps à mettre la structure à la question et l'Autre à l'épreuve, l'obsessionnel, bien plus prudent en apparence, se préoccupe tout au contraire de les ménager, en renforçant la structure de maints dispositifs contingents et en s'érigeant en chevalier protecteur de la dignité de l'Autre.

 

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L'obsessionnel ne peut se contenter des bretelles de la structure ; il lui faut y adjoindre la ceinture de la contingence.

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