Hypnose

Aimez-vous Freud ? Le concerto que nous offre les huit épisodes de la série Freud sur Netflix et que d’aucuns auraient dit « abracadabrantesque » est, pour cette raison même et pour la somme de détails historiques qui s’y reconnaissent, tout à fait étonnant.

La réalisation par Marvin Kren est autrichienne, plus exactement bavaroise. On le dit spécialiste des films d’horreur et multi couronné pour ses œuvres télévisuelles.

Il a lu Freud, sa biographie, intégré l’addiction à la cocaïne dans ses débuts et dans le travail sur les rêves. Il a retenu également, en l’aménageant pour son scénario, le contexte socio-politique de la Vienne fin de siècle et cela donne quelque chose qui, de mon point de vue, évoque la devise rapportée à Fliess le 4/XII/1896 et placée en-tête de L’Interprétation des rêves :

Si nequeo flectere superos,

Acheronta movebo[1]

Les enfers qui sont remués dans cette série avec de belles images et des personnages convaincants relatent la naissance de la psychanalyse avec Joseph Breuer, Theodor Meynert, la vive hostilité du neurologue envers le jeune Dr Freud, l’antisémitisme et la judéité de la famille Bernays. La pratique, la clinique, la passion de savoir et l’investissement des premières patientes sont restituées. De même que l’écriture qui mène Freud à un livre inventé, intitulé La puissance de l’hypnose. Ce livre qui n’a jamais existé et qui finit brulé, détruit, comme le furent en un temps ses lettres adressées à Fliess, trouve sa place dans le contexte politique de la série. La pratique de l’hypnose met ainsi à jour le phénomène de double conscience qui lui fut accordé. En l’occurrence elle permet l’aveu d’une partie animale du moi au cours de laquelle les individus concernés laissent libre cours à leurs pulsions. Mis en scène de façon outrancière peut-être, nombre de détails historiques s’y retrouvent néanmoins, éveillant des résonances de récits de rêves, tel, pour moi, celui qui est intitulé : « Mon père a joué un rôle politique chez les Magyars ».

Bref, s’il est juste question dans l’un des épisodes d’un Opus magnus, où sans être nommée L’Interprétation des rêves acquiert une présence, on se laisse prendre par ses propres réminiscences et on pardonne certaines répétitions ou incohérences, certains excès médiumniques et transylvaniens. Leur pertinence échappera vraisemblablement, alors qu’en cherchant ses sources — chez l’historien René Bustan —, on s’aperçoit qu’elle appartient à l’histoire politique de l’Autriche-Hongrie. Quant au fond, j’y ai perçu l’inscription et la désignation, fut-elle imagée, des principaux concepts tels que la sexualité infantile, la violence entre père et fils, les liens du sang, l’attachement à la mère de la petite enfance, le transfert et bien sûr la diversité des rôles des femmes. S’y découvre aussi la place occulte, si rarement restituée qu’a tenue la représentation de la Femme dans la découverte de la psychanalyse, y compris celle de l’inconscient.

Si l’on songe au film Passions secrètes avec Montgomery Clift que John Huston mit en scène en 1962 sur un scénario original de Sartre, la série sur Netflix me paraît plus imaginative. N’y-a-t-il pas toujours des fragments de vérité dans les productions irréelles, voire déréalisantes ?

 

Danièle Brun

 

[1] Si je ne puis fléchir ceux d’en haut (les Dieux), je remuerai l’Achéron (les enfer)s

Comments (1)

Bonjour, Je vous remercie Mme Brun. Je suis d'accord. Le character outrancier de la série permet quelques rapports avec l'histoire de la découverte et invention freudienne.