Hors normes

Quelques remarques personnelles de la mère d’un adulte autiste

Sur le film « Hors normes »

 

L’amour, l’empathie suffisent-ils ?

 

J'ai vu "hors normes" et suis un peu déçue mais j’ose à peine le dire après avoir lu et entendu tant de propos dithyrambiques sur ce film. Ces éloges sont certes parfaitement mérités mais............. 

Ce film me dérange car il laisse penser que, face à l'autisme, il n'y a rien à comprendre, rien à chercher, qu'il suffit d'avoir de l'empathie.

Au début du film, nous avons une scène superbe dans laquelle les accompagnants font preuve d’une immense patience pour juste faire sortir du bus, un jeune autiste. Le directeur de l'association dit à un accompagnateur qui craque et veut l’y forcer : " non, tu ne fais pas ça, c'est lui qui donne le timing !". J'ai trouvé cette attitude très juste et j’espérais que le film allait se poursuivre en apportant, à partir de situations réelles, des indices, finalement des conseils simples pour mieux comprendre les personnes autistes et savoir s'y prendre avec elles. Mais ensuite plus rien, le film se déroule avec une série de situations d'urgence dans lesquelles les équipes interviennent comme des pompiers pour éteindre un incendie. Par exemple quand un accompagnateur s'approche de trop près d'un autiste et qu'il reçoit un coup de tête, le directeur ne lui dit aucun mot sur la problématique de la distance physique à respecter avec de très nombreux autistes. Pourtant la plupart des professionnels et parents savent que beaucoup ne supportent pas qu’on les touche ou qu’on s’approche de trop près. C’est vécu comme une intrusion et génère de la violence. Or dans le film on voit ces jeunes, pleins de bonne volonté, qui essaient de rassurer leurs « protégés » en les prenant par le bras, par les épaules. On ne peut alors s’empêcher de penser qu’on les envoie, en quelque sorte, au casse-pipe car on a l’impression qu’on ne leur a jamais rien expliqué sur les particularités sensorielles des autistes.

Si l'empathie, l'amour suffisaient pour prendre soin des personnes autistes, ça se saurait et les parents comme les professionnels seraient moins démunis !

 

Bien sûr un film grand public n’est pas un documentaire destiné à la formation des professionnels ou des parents. Mais je ne peux pas m'empêcher de penser au film "Chelli" que j'ai vu il y a quelques années. Dans ce film de fiction une femme autiste et sa sœur sont au centre de l’histoire et on perçoit bien, sans grandes explications théoriques, ce qui est en jeu dans les difficultés extrêmes de l’une et de l’autre : https://www.youtube.com/watch?v=OQ4CyExawvQ

Je reconnais cependant que « Hors Normes » est un film formidable car il montre bien la réalité quotidienne des personnes autistes les plus en souffrance, la détresse de leurs familles et le dévouement extraordinaire de certains professionnels. J'ai aussi apprécié la façon tout à fait juste et non manichéenne avec laquelle a été traité le sujet de l’IGAS.

Mais ce film ne m'a pas émue personnellement. C’est peut-être parce qu'il met en scène des situations que je connais depuis longtemps. C’est peut-être aussi parce qu’il n’entraine pas d’empathie pour les personnes autistes qui sont là pour mettre   en lumière les qualités indéniables des accompagnateurs.

Finalement « Hors normes » est un film à la gloire des professionnels de l’institution « Le silence des Justes » et ils le méritent bien ! Ce sont eux qui de fait sont les véritables héros du film.

 

Françoise Rollux

Co-fondatrice et présidente de « Autisme-Liberté »

Co-fondatrice et secrétaire générale adjointe du Raahp