Décès de Christian Simatos

Christian Simatos

 
- CHRISTIAN SIMATOS -
est décédé ce 12 novembre, des suites de la Covid 19.


Christian Simatos fut neuropsychiatre et psychanalyste. Il débuta son analyse en 1956 avec Lacan. Membre de l’École freudienne de Paris depuis sa fondation en 1964 et secrétaire de l’École de 1969 à 1979. Président d’APUI après la mort de Serge Leclaire, il était Membre d’honneur d’Espace analytique.

En quelques jours ce sont deux figures importantes du mouvement lacanien et des compagnons de route de l'École Freudienne de Paris qui disparaissent. C'est Christian Simatos qui m'avait reçu lorsque je postulais pour mon entrée à L'EFP. Le temps de vie de l'École fut bref après cette rencontre si bien que je n'ai jamais su si cette demande aurait eu une issue favorable et à vrai dire à bien des égards il était déjà trop tard. J'arrivais après la bataille et j'appartenais de fait à une autre génération. Mais j'ai gardé de cette rencontre une estime pour Christian Simatos qui ne s'est jamais démentie. Je ne l'ai jamais connu pris dans les combines sordides qui fourmillaient à l'époque. Et c'est peu dire que c'est quelqu'un que j'estimais beaucoup qui disparaît aujourd'hui
LLV
 
 
 Extrait d'un ouvrage publié par Thierry Marchaisse: Lettres à Lacan
 
Cher Monsieur,
Voici donc une lettre destinée, c’est évident, à rester sans
réponse, mais l’évidence est parfois trompeuse. Certes vous n’al-
lez pas prendre la plume ; pourtant, épinglée au monument
de votre mémoire, cette lettre, qu’on la lise ou qu’on l’ignore,
m’engage activement auprès de l’interlocuteur que vous n’avez
jamais cessé d’être pour moi au point que certaines personnes,
plus ou moins bien intentionnées, vont jusqu’à faire de vous
mon répondant.
Me voici donc engagé alors que l’histoire me dit tout autre
chose. Après que je me suis dégagé du divan de la rue de Lille
vous êtes venu vous-même vers moi et m’avez instamment prié
de servir la fonction occupée alors par Clavreul. On était en
1968-1969. Disons que dès lors je me suis trouvé engagé pas-
sivement, ce à quoi je me suis prêté durant des années. Plutôt
devrais-je dire plié, car pour m’y être prêté de mon plein gré,
non sans quelque satisfaction, vous aviez sans doute pres-
senti que je saurais ne pas en jouir au détriment de la fonction
pour laquelle vous m’accordiez votre confiance. Pressentiment
de mon ex-analyste ? J’en reste marqué d’un pli profondé-
ment inscrit en moi. De ce qu’il recouvre exactement je ne sais

qu’une chose : vous êtes au cœur de ce pli. Vous y figurez sous
les formes diverses où se signifie le nom Lacan, m’assurant de
l’existence d’un objet qui m’habite plus que je ne le saisis, sur
lequel je compte en vous écrivant, même s’il m’est impossible de
savoir de quoi il est constitué et donc d’apporter la preuve de ce
que j’avance.
Pour en rester là sur la question de l’engagement et ne pas
abuser de la pseudo-liberté que me donne le projet de ce livre,
je rappellerai seulement une anecdote : lorsqu’après dix années
de bons et loyaux services comme on s’exprime, vous m’avez
dégagé de mes responsabilités dans des conditions détestables -
vous ne vous êtes pas même adressé à moi mais au directoire de
cette École dont vous m’aviez fait secrétaire dix ans plus tôt -,
la chose ne m’a pas bouleversé. Dans mon histoire elle est restée
anecdotique en effet, il n’a fallu qu’une courte fâcherie avant
que j’entende les encouragements d’un collègue, à vous très
fidèle, et me tourne vers vos nouveaux projets. J’en vins même
à participer avec un texte sur l’initiation - moi qui ne me suis
jamais considéré comme initié - lors d’un colloque qui fut l’une
des dernières occasions de vous a-percevoir tel que vous vous
donniez à voir à la fin de votre vie.
Vous voilà donc relever d’un horizon lointain tandis que,
paradoxe vivant, vous occupez toujours une place de l’ordre de
l’intime. Cette place il me semble que nombre de mes collè-
gues la contournent à leur façon, fort judicieusement d’ailleurs,
grâce à un travail de réflexion et d’écriture référé plus ou moins
ouvertement à votre discours. Quant à moi si je m’en trouve
le plus souvent empêché, je le dois à ce pli, j’en suis certain,
prix à payer pour que je poursuive ma pratique sans lassitude, si
bien qu’à ce titre je me résous à le déposer dans la boîte à lettres
qu’est ce livre.
 

 

Pour Christian Simatos

Écoutons Alain BASHUNG , le bienvenu, il nous donne un cap :

« « « Je ne t'ai jamais dit

Mais nous sommes sommes immortels

Pourquoi es-tu parti avant que je te l'apprenne?

Le savais-tu déjà?

Avais-tu deviné?

Que des dieux se cachaient sous des faces avinées

Mortels, mortels, nous sommes immortels

Je ne t'ai jamais dit

Mais nous sommes immortels

As-tu vu ces lumières, ces pourvoyeuses d'été

Ces leveuses de barrières, toutes ces larmes épuisées

Les baisers reçus, savais-tu qu'ils duraient?

Qu'en se mordant la bouche, le goût on revenait

Mortels, mortels, nous sommes immortels

Je ne t'ai jamais dit

Mais nous sommes immortels

As-tu senti parfois que rien ne finissait?

Et qu'on soit là ou pas quand même on y… » » »

 

...De suspension les points à la fin de la chanson, Christian fait arrêter la machine à Oxygène, celle mondiale de

notre époque bien ralentie, et il part la nuit de ce 12 novembre... 2020

Un Novembre terrible pour la psychanalyse , de vrais amis partent , Moustapha Safouan, Abram Coen. Christian, . Oui nous nous voyons mi-septembre lors de la présentation chez Tschann du livre «La pratique de Lacan », aux Éditions Stilus , où lui, moi et d’autres avons un texte . Et nous sommes ensuite au Select, fief des psy depuis longtemps . Christian porte beau, cheveux bien fournis, blancs, blancs, blancs. Élégant en tout , tenue, parole, accueil. On a de l’amitié en cours...il est cannois moi niçois. Le livre en commun nous amène à deviser sur notre sorcière préférée, la pensée psychanalytique. Et les arcanes des liens entre praticiens. 

Christian, chacun en convient, je le lui dis -il est féru de culture juive-est un 

Mensch , celui qui sait être où Il est, qui ne lâche pas sa position, celui qui ne la ramène jamais, sur qui on peut compter. Son propos dans le livre le souligne : avoir fini son analyse avec Lacan, le quitter mais sans lâcher l’analyse ni l’EFP. Oui, dit il, il y a du désir de l’analyste , pas la

peine d’en faire une passion. 

Il me parle des cartels comme le moyen où s’éprouve le style analytique de chacun . Et qui construit des raisons d’être ensemble, ou pas. On évoque son poste de secrétaire à l’Ecole . C’est lui qui accueille les nouveaux venus durant toute la durée de l’EFP de 1964 à 1980. Lors de ma venue chez lui il y a des belles années depuis, pour demander , intimidé, mon entrée à l’EFP, il fait ce qu’il fait pour que je reparte tranquille . Mon entrée effectuée, je le retrouve tout aussi accueillant pour parler avec lui, et deux autres membres de L’Ecole, de mon passage de la SPP ( IPA de Paris) à l’Efp. Il m’en rend compte lors de ce dîner. Boustés que nous sommes par le débat sur le livre il me dit que Lacan comme lui-même voulaient savoir s’ll s’agissait d’une passe.

Malgré sa santé attaquée par le cancer, il surmonte l’adversité , et reste souriant, présent, généreux . C’est un Homme de mesure Jamais un mot de trop . 

 

Les points de suspension de la chanson sont pour nous,les vivants que nous sommes, le signe de le rester au plus loin en soi-même.........

Tchao CHRISTIAN

Très sincères condoléances 

à toute ta famille 

 

La chanson sur YouTube :

 

https://youtu.be/E5rIb1t6Ukw

 

Jean Jacques Moscovitz