Décès de François Gantheret

 

François Gantheret

Nous apprenons le décès de notre collègue François Gantheret. Longtemps enseignant à Paris VII il avait été à son origine l'un des rédacteurs de la Nouvelle Revue de Psychanalyse créée par Jean-Bertrand Pontalis. Membre et ancien Président de l'Association Psychanalytique de France, il en est resté membre jusqu'à son décès..

Pour ma part j'ai gardé le souvenir d'un homme ouvert au dialogue, cordial, toujours intéressé par l'apport de ses collègues enseignants et psychanalystes. il soutenait l'idée que la transmission de la psychanalyse passait par des récits fictionnels; En cela il a ouvert une voie suivie depuis par  bien d'autres.

Laurent Le Vaguerèse

les obsèques de François Gantheret auront lieu le 3 janvier à 15H30 au crématorium du Père Lachaise

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Hommage à un ancien ami disparu.

François Gantheret

 

Luiz Eduardo Prado de Oliveira

Professeur émérite

CRPMS - Université de Paris 7-Dedis Diderot

Espace Analytique

 

J’ai connu François Gantheret pratiquement à mon arrivée en France, en 1974. Il a été un de mes premiers professeurs et amis. J’aimais son langage clair, la précision de son raisonnement, ses solides références en histoire de la psychanalyse. Toutes ces qualités ne faisaient pas plaisir à tout le monde. D’autres lui préféraient plutôt un langage d’évocation, elliptique, sans claire référence précise. J’aimais chez François Gantheret sa surprise quand au cours d’une de ses classes les enjeux se précisaient et des choix théorisés semblaient s’imposer, dont il examinait les « bénéfices et les préjudices » des uns et des autres, comme il disait.

Le lendemain de la soutenance de mon doctorat avec Jean Laplanche, en 1979, François m’appela au téléphone pour m’offrir de devenir ATER dans sa discipline, « Aspects du mouvement psychanalytique », où pendant quelques années je me suis occupé de Ferenczi, que je lisais en anglais, seule langue où ses œuvres étaient alors disponibles, et de ses liens avec Melanie Klein. Ce fut l’occasion de réunions rapprochées avec François, bientôt doublées d’une fréquentation sociale. Une ou deux fois dans l’année il venait dîner chez moi et autant de fois je me rendais chez lui. Il me parlait de ses origines paysannes, je lui racontais les miennes au bord de mer. Il me parlait de l’importance de mai 68 dans sa vie et je lui parlais de mon militantisme. Ces contacts se solidifièrent de notre fréquentation de l’Association psychanalytique de France.

Au début des années 1982, j’organisai la première rencontre psychanalytique franco-brésilienne et je demandai à François de m’aider à la préparer. Sa participation a été décisive. Grâce à lui, Jean-Bertrand Pontalis accepta d’y participer également. François me donnait l’impression d’être l’ange gardien de Pontalis dans l’affrontement de cette horde de barbares brésiliens.

François me fit publier mon seul article à la Nouvelle revue de psychanalyse, en 1986. À cette occasion, nous nous sommes vus très fréquemment. J’apprenais que sa clarté et sa solidité étaient aussi éditoriales. François m’avait conseillé pour la soutenance de ma thèse, Le Cas Schreber. Contributions psychanalytiques de langue anglaise, aussitôt éditée aux Presses universitaires de France. Mais, pour mon article, c’était autre chose. Il m’aidait à le faire advenir, sans jamais être envahissant. Sa direction fut harmonieuse, dans ce sens que j’avais l’impression qu’il évitait de froisser le jeune auteur qu’il aidait à mûrir.

En 1990, j’eus des déboires à notre commune association de psychanalyse et nous nous sommes éloignés. Ce fut un des rares moments où ces problèmes m’ont semblé avoir une influence néfaste dans ma vie, en provoquant la rupture d’amitiés chaleureuses. J’ai décris cet épisode dans mon livre Les pires ennemis de la psychanalyse, titre inspiré d’une conférence de Pierre Fédida à São Paulo pour caractériser, selon ma compréhension, ceux qui, dans le mouvement psychanalytique, œuvrent à sa perte sûrs d’édifier sa gloire.

Une dizaine d’années plus tard, comme j’avais mentionné son nom dans un de mes articles, François, avec sa franchise et sa sincérité habituelles prit contact avec moi. Il m’a appelé au téléphone et nous avons prit un verre à La Rhumerie. Il a voulu connaître mon destin et, moi, le sien. « L’APF n’avait pas voulu de moi, j’avais suivi ma route, ils avaient tort, j’avais raison », c’était son opinion. Ce n’était pas la mienne, pour qui nous ne pouvions pas rester à ces constats, toute cette situation méritant une analyse mieux approfondie. Otto Kernberg, alors président de l’Association psychanalytique internationale, venait de publier son article « Trente méthodes pour détruire la créativité des analystes en formation ». François ne voulait pas en entendre parler. Nous sommes quittés. Il portait toujours son beau sourire d’où irradiait une irrésistible confiance en l’amitié et en la générosité. Il y avait chez cet homme quelque chose de tellurique qui rêvait de s’envoler. Ashes to ash, dust to dust.