Tous psychothérapeutes ?

Autres articles de l'auteur

Zéro de conduite pour le directeur de l'Inserm : les organisateurs de la pétition s’expliquent devant les journalistes

À la table pour répondre aux questions de la presse se trouvaient réunis mardi 21 mars un certain nombre de spécialistes compétents en matière de prise en charge psychologique et psychiatrique des enfants. Les auteurs de la pétition s'avérant nettement plus...

Lire la suite

Réponse de Bernard Basset aux questions des associations

Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint les premières réponses aux questions qui nous ont été posées suite à la réunion de concertation du 10 janvier dernier : 1/ Questions relatives aux dispositions du projet de décret en Conseil...

Lire la suite

10 janvier 2005

10 janvier 2005 Ministre de la Santé Et des Solidarités, Ministère de l'Education Nationale, De l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Version 1 de l'Avant-projet de décret n° xxxx...

Lire la suite

Pages

Proposé en octobre 2004, l'amendement Accoyer a entamé en France un processus dont les effets secondaires sur le milieu analytique sont loin d'être négligeables et dont on commence seulement à mesurer les effets.

Il a par exemple fait découvrir à beaucoup de psychanalystes la réalité et l'impact des décisions prises par les politiques et accessoirement l'a fait s'intéresser davantage au domaine public ce dont on ne se plaindra pas sinon pour constater la faiblesse du niveau de réflexion de la plupart des psychanalystes dans ce domaine. Que Lacan ait pu proférer un jour « l'inconscient c'est le social » n'avait pas, semble-t-il franchi les barrières du psychisme de nombre d'entre eux.

Il a fait franchir aussi le pas de l'information par Internet ce dont le site Œdipe est quelque peu responsable.

Il a fait aussi émerger à leurs yeux la cohorte des psychothérapeutes dont il soupçonnait vaguement l'existence mais dont la réalité lui était en grande partie inconnue. Drapé dans son dédain, il leur laissait à peine balayer la poussière de ses chaussures. Qu'une proposition de Loi avancée par le groupe des Verts n'ait pas réussi à les sortir de leur torpeur, voilà qui laisse à penser sur la profondeur de celle-ci. Quant à la situation de délabrement de la psychiatrie, n'en parlons même pas. La psychanalyse ne se glorifie-t-elle pas de s'en être à jamais séparée et de lui avoir fait la leçon pendant les années glorieuses du lacanisme ?

D'autres questions auraient dû les faire quelque peu réfléchir : la multiplication des psychologues sans poste, la chasse aux rares emplois dans les dispensaires qui loin de s'améliorer empirait de jour en jour. Sans parler de leur niveau de rémunération tendant de plus en plus souvent vers le SMIC qu'ils soient ou non formés à la psychanalyse et à la dimension de l'inconscient ne faisant guère de différence.

Les demandes de plus en plus éloignées de la cure type, la difficulté de paiement pour nombre des postulants, les multiplications des réponses apportées pour tenter de ne pas laisser partir vers d'autres horizons la clientèle potentielle, l'incapacité de la plupart de nos concitoyens à faire la distinction entre psychiatres, psychanalystes et psychologues, cliniciens pas cliniciens etc. avaient amené nombre d'entre eux à admettre comme une fatalité d'être rangés sous le terme pourtant détestable des « psys ».

Ne parlons pas de l'influence de plus en plus limitée des analystes dans les médias, dans la culture, les débats. Le combat des psychanalystes à l'Université pour conserver l'intégrité de leurs postes et la qualité de leurs enseignements. Tout fout le camp mon cher, tout fout le camp ; Continuons cependant comme si de rien n'était à nous entrebattre sans nous soucier de ces péripéties sans importance.

Mais revenons aux effets directs et indirects de l'amendement Accoyer et de ses suites. Il a vu la recomposition inattendue du paysage associatif tant chez les psychanalystes que chez les psychothérapeutes, les psychiatres et les psychologues. La grande concertation entamée à son sujet et même un peu auparavant (mais qui lui a tout de même donné une réalité) entre les analystes de la Société Psychanalytique de Paris et certains groupes lacaniens, a conduit à la formation du « groupe de contact » et ceux qui ne se reconnaissaient pas dans les positions défendues par celui-ci (ou tout simplement n'admettaient pas de ne pas avoir été consultés) à reprendre le dialogue avec Jacques-Alain Miller pourtant considéré comme la peste quelques mois auparavant.

Enfin, voici que ce terme de psychothérapeute, qui avait fait sa place sans apparemment faire de vague, y compris dans les lieux supposés les plus analytiques – ne se nomme-t-on pas thérapeutes dans les BAPU pourtant supposés composés de psychanalystes ?- se trouve le point de mire de la nouvelle configuration au point que l'on se demande si dans son souci d'éclairer le consommateur, ce qui constitue désormais l'axe du politique- celui-ci n'avait tout simplement pas décidé d'adjoindre au terme « les psys » adoptés apparemment pas la population et par les médias le suffixe thérapeute pour y faire raisonner la dimension thérapeutique qui sied à l'affaire.

On voit bien que le fil du tranchant de la psychanalyse a bel et bien quelque chose à perdre dans ce marché de dupes. Non pas que la dimension thérapeutique lui soit étrangère, loin de là. Qu'elle soit dite venir de surcroît signifie seulement qu'on l'espère au terme d'un processus dont le parcours ni l'issue ne sont garantis et qu'elle ne surviendra en tout état de cause qu'à la suite d'un processus souvent long au cours du quel, contrairement à ce qui structure la pratique médicale, le symptôme ne sera pas situé en tant qu'ennemi à abattre mais comme support de la structure du sujet jusqu'à son bouleversement.

Il est d'autres façons de faire, et ce que l'on appelait autrefois entretiens préliminaires avait au fond cette visée d'accompagner le patient vers un point ou l'on aurait quelques chances de faire émerger une demande d'analyse qu'il puisse le supporter sans défaillir. Ce processus est aujourd'hui plus long et plus complexe et réclame une approche encore plus prudente et personnalisée que par le passé. Rien qui ne doive effrayer un psychanalyste digne de ce nom qui sait bien que dans sa pratique il ne peut avoir recours à aucune recette. Faut-il pour autant céder sur les termes et appeler ce parcours préliminaire psychothérapie ? Je n'en suis pas, pour ma part, intimement persuadé.

Mais enfin voici que se profile une série de décrets et que l'échalote de cette course instaurée comme le marathon de Paris, est la possibilité de faire état du titre de psychothérapeute. Et chacun de se demander ce que cela veut dire alors que beaucoup sans trop y réfléchir se préparent déjà à concourir. Car quel est en effet le résultat enviable de ce parcours : détenir et pouvoir faire état du titre de psychothérapeute dont jusqu'à maintenant les analystes, qui habituellement n'ont même pas de plaque pour signaler au chaland leur existence, n'avaient évidemment pas eu à faire usage.

Et les psychologues de s'inquiéter : Va-t-on me demander d'effectuer un parcours supplémentaire pour pouvoir travailler comme avant ? Mais enfin, après quoi coure-t-on ? Et quelle mouche a piqué le législateur qui finit peu à peu par revenir sous une autre forme à la définition du titre déjà existant de psychologue clinicien ? quel embrouillamini cela va-t-il entraîner dans les UFR de psychologie ? Qu'est-il besoin de créer une nouvelle entité si toutefois comme il semble apparaître dans l'avant-projet ce serait à l'Université d'en assurer la formation en 5 ans ? Et s'il s'agit de mettre en place des stages, de valider les acquis de l'expérience n'a-t-on pas déjà sous la main tout cela au sein du cursus de formation des psychologues cliniciens?

Pourquoi, mais c'est tout de même très simple. Les crédits on le sait ne seront pas augmentés. Dans ces conditions créer des masters de psychothérapie avec la répartitions indiquée revient à faire la part belle aux thérapies comportementales qui sont aujourd'hui quasiment absentes des formations en psychopathologies dans l'enseignement universitaire. Les masters déjà existants devant faire maigre et réduire leurs prétentions et leurs crédits d'autant.

Et les ni-ni me dira-t-on que vont-ils devenir ? Psychanalystes ils sont psychanalystes ils demeureront et les meilleurs sans doute d'entre-nous. Ce que cette histoire leur amène ? quelques inquiétudes Le risque maintenant plus que certain que psychothérapie et psychothérapeute deviennent notre monnaie commune et que tout le reste se fonde dans cette urne improbable. ni-ni ou pas, la psychanalyse a de fortes chances de ne pas sortir indemne, à moins qu'enfin elle ne se réveille suite à ces coups qu'elle reçoit en retour de ses services.

Sans compter que, comme certains comme Roland Gori n'ont pas manqué de le souligner, dans ce melting-pot, dans cette soupe, le gouvernement s'est de plus instauré la prérogative incroyable de dire de quoi se composait le champ ainsi déterminé la psychanalyse se voyant mise au niveau des recettes communes à son époque, une parmi d'autres pas tellement plus avancée en quelque sorte que les autres.

.Comme pour l'Histoire décidément le politique croit devoir décider de tout et se mêler de ce qui ne le regarde pas

Vous avez dit nivellement par le bas ? vous avez dit mélange confusion des genres ? vous avez dit remplacement des psychiatres placés en position d'experts et remplacés petit à petit par les dits psychothérapeutes ? ah je ne vous avais pas bien entendu.