- Œdipe
- Prix
- Vidéos
- Lire
- Actualités
- Critiques
- Dossiers
- Grande traversée - Moi, Sigmund Freud
- Lettre de démission de l'Ecole Freudienne de Paris J. Favret-Saada
- Hyperactivité de l'enfant
- Loi du 5 juillet 2011 : interview
- Décrets relatifs à l'usage du titre de psychothérapeute
- L'affaire Onfray
- Mai 68 : sommaire
- Dossiers Interview de jacques Sedat à propos de la parution des travaux de François Perrier
- Le cas 'Richard'
- Chronologie
- Autisme et Psychanalyse
- Colloque : « Du Séminaire aux séminaires. Lacan entre voix et écrit »
- Documents concernant Jacques Lacan
- Livres de psychanalyse
- Revues de psychanalyse
- Newsletters
- Enseignements
- Adresses
- Questions
- Loisirs
À propos de l'action en faveur de Rafah Nached.Intervention au 13e colloque de l'ALEPH
À propos de l'action en faveur de Rafah Nached.Intervention au 13e colloque de l'ALEPH
Intervention au 13e colloque de l’ALEPH 21 janvier 2012
Résumé : l’arrestation puis la libération de la psychanalyste syrienne Rafah Nached a donné lieu à un mouvement de solidarité international qui a rassemblé la communauté psychanalytique au-delà des frontières et des rivalités institutionnelles. Le site oedipe s’est une nouvelle fois révélé un outil indispensable à la mise en place d’une réponse coordonnée et responsable, dans le cadre d’une politique concertée entre toutes les organisations et tous les analystes inscrits ou non inscrits au sein des associations.
Mots-clé : Rafah Nached. Syrie. Internet. Politique. Associations psychanalytiques. Oedipe.
Il y a au moins deux façons de parler des événements qui se sont déroulés entre septembre et novembre 2011 et qui ont concerné l’incarcération suivie deux mois plus tard de la libération de notre collègue syrienne Rafah Nached. La première , la voici :
Le 10 septembre la psychanalyste syrienne Rafah Nached disparaît à l'aéroport de Damas, alors qu'elle s'apprête, accompagnée par son mari le professeur et historien Faysal Abdallah, à embarquer pour Paris où sa fille réside et est sur le point d’accoucher. Un mail de Sophie de Mijolla, Directrice de laboratoire à Paris VII, qui avait été l’une de ses enseignantes lorsqu’elle faisait ses études de psychologie à Paris et avec laquelle elle avait organisé plus tard deux journées de rencontre autour de la psychanalyse en Syrie, me l’apprend. Elle me demande de diffuser la nouvelle. Je ne connais pas Rafah Nached et je n’ai pas d’intérêt particulier pour ce pays.
Le 16 novembre, soit un peu plus de deux mois plus tard, j’apprends sa libération par Houriya Abdelouahed, une de ses amies qui enseigne à Paris VII et qui est en lien avec ses proches et le groupe qui s’est constitué autour de Rafah Nached. Elle est en bonne santé, mais son passeport lui a été retiré et dès le lendemain, comme elle souhaitait entrer en contact avec les détenues avec lesquelles elle avait été emprisonnée, elle reçoit un avertissement des forces de sécurité. Quelques jours plus tard, je reçois un appel téléphonique et j’entends pour la première fois la voix de Rafah Nached qui me remercie ainsi que tous ceux qui ont œuvré à sa libération. La voix est claire et assurée, mais l’entretien est bref. Je sens que chaque mot est pesé.
Entre-temps, c’est-à-dire dans l’espace d’un peu plus de deux mois, le nom de Rafah Nached a circulé dans le monde entier, les psychanalystes de tous horizons et pas uniquement eux, ont appris son existence ainsi que son emprisonnement, une immense chaîne de solidarité s’est mise en place, et pour la première fois depuis 50 ans les psychanalystes de tous bords lacaniens et non lacaniens ont accepté de siéger ensemble à un Comité de Soutien destiné à obtenir sa libération dans les délais les plus brefs.
Malgré la crise financière en Europe et dans le monde, les médias se sont tournés vers ce petit pays soumis à la répression implacable d’un régime aux abois, dirigé par un médecin formé à Londres dans les meilleures universités. Encore aujourd’hui, chaque bulletin d’information nous fournit le décompte macabre des victimes du régime, l’impuissance des pays de la Ligue Arabe à obtenir un quelconque apaisement de la politique sanglante du dictateur, le blocage par la Chine et la Russie dont la Syrie constitue une tête de pont au Moyen-Orient, de toute initiative diplomatique venant des Nations Unies.
Je vais, bien entendu, revenir sur ces événements, mais je pense que ceux-ci ne se comprennent pas sans un bref retour en arrière. En effet, pour bien comprendre pourquoi le site oedipe a pu servir de support à l’action qui a été entreprise et qui a largement contribué à la libération de Rafah Nached, il faut savoir que d’une certaine façon, c’est précisément dans ce but et pour répondre à des situations semblables que le site oedipe. org a été créé, faisant suite à la création d’un service minitel dont il a poursuivi, pour l’essentiel les objectifs.
À la suite de la dissolution de l’École Freudienne de Paris par Jacques Lacan, on a assisté à plusieurs années de conflits entre les associations lacaniennes issues de la Dissolution. Dire que ces conflits ont été durs, est un doux euphémisme. Les conflits de personne s’ajoutant aux différents idéologiques et à la lutte pour la possession de l’héritage de Jacques Lacan, le climat était détestable. Ne croyez pas que cela faisait suite à une situation idyllique. La fin de l’École Freudienne de Paris fut sombre, l’ambiance pesante, chacun s’observait et les coups tordus succédaient aux coups tordus. Bref, il y avait mieux pour commencer une pratique d’analyste et en ce qui me concerne j’ai rapidement pris le large ne voulant pas me mêler à ce carnage. En 1989, lorsque j’ai créé avec quelques collègues l’embryon de ce qui deviendrait le site oedipe et l’association oedipe sur Internet , la situation n’était pas brillante et l’ensemble ressemblait plutôt à un champ de ruine. Il y avait alors deux possibilités au moins : la résignation et une tentative pour recomposer à l’aide des nouvelles technologies qui commençaient à envahir l’espace social, un semblant de lien entre les associations et plus largement entre les analystes.
Je fais ici une incidente. Il apparaît aujourd’hui aux yeux de tous que la mise en place de l’Internet a joué un rôle important dans la mobilisation des différents mouvements de contestation qui ont surgi ces dernières années. Ce que personne ne peut nier : l’influence de ce qu’il est convenu d’appeler les réseaux sociaux et qui ne se limitent pas à Facebook, n’est apparu que très progressivement et s’est heurté au sein des milieux psychanalytiques à une très forte résistance voir à un certain mépris pour ceux qui, anticipant l’avenir, souhaitaient se lancer dans cette nouvelle aventure. Pourtant, l’Histoire est à ce propos sans ambiguïté. Chaque avancée dans le domaine des communications et des médias s’est traduite concrètement. On sait le rôle joué par les radios clandestines en liaison avec Londres pour la France résistante. Plus tard, les reportages des radios comme Europe1 ont joué un rôle important dans la mobilisation en Mai 68.
Mais la compréhension des possibilités nouvelles offertes par la technologie n’offre de débouché que si elle repose sur une analyse politique de la situation et si sont définis les axes sur lesquels reposera la communication passant par ces nouveaux supports.
Assez rapidement, pour ce qui me concerne, j’en ai défini un certain nombre qui sont toujours actuels. j’étais arrivé à la psychanalyse via les événements de 68 et la grande déprime qui s’en est suivie. Cette période m’a permis de progresser dans de nombreux domaines. J’étais à l’époque en CPEM c’est-à-dire l’actuelle première année de médecine.
J’ai acquis durant cette courte période :
une bonne connaissance des milieux psychanalytiques en particulier lacaniens (mais pas uniquement)
- une très bonne formation politique et une réflexion approfondie sur la manipulation des groupes et des masses, manipulation à laquelle j’avais pu assister à de multiples reprises.
Je possédais par conséquent dès le début de ma vie professionnelle une excellente grille de lecture de ce qui se passait sous mes yeux à l’Ecole Freudienne de Paris.
J’assistais, un peu plus tard, à une alliance des groupes lacaniens dirigée contre Jacques-Alain Miller, alliance qui demeure pour l’essentiel aujourd’hui. Le sentiment de ces derniers était d’avoir été manipulés, et pour tout dire dépossédés, de l’héritage lacanien. Ce sentiment était d’autant plus fort que Jacques-Alain Miller ne venait pas du sérail, mais s’était lié à la fille de Lacan et faisait donc partie de sa famille. Écartant ses plus vieux compagnons, Lacan avait confié à son gendre, la publication du plus précieux de son enseignement : son séminaire. Secouant les tenants de la vieille garde, il affichait un absolu non-respect des règles qui, jusque-là, réglaient les affrontements au sein du milieu psychanalytique, et que chacun tout en les dénonçant, s’efforçait d’appliquer. Très rapidement, ses adversaires ont fait alors figure de petits enfants, geignant d’avoir été rossés.
En ce qui me concerne, tout en refusant de rallier l’ECF, je pensais que cette politique d’ostracisme n’aboutirait à rien. De même, il me semblait qu’il faudrait compter à l’avenir, non seulement avec les groupes issus de la Dissolution mais avec l’ensemble des groupes analytiques se réclamant de Freud. Il fallait donc être résolument sans exclusive à l’égard de quiconque. Il fallait d’autre part, utiliser les outils modernes de communication qui, à l’époque et jusqu’au sein des quelques analystes avec lesquels je travaillais pourtant, faisaient figure de diables sortis de la boîte. Enfin, je pensais et je pense toujours que les psychanalystes ne sauraient longtemps se considérer comme les maîtres du monde, ignorants du jeu politique et institutionnel de la République comme de la planète.
Le déferlement de haine qui ces dernières années s’abat via les médias sur la psychanalyse, qu’il s’agisse de l’écho fait à Michel Onfray ou du document diffusé sur Internet- Le mur- au sujet de l’action des psychanalystes sur la question de l’autisme, document violemment polémique et dont la presse hélas s’est fait largement l’écho et de façon souvent favorable, tout cela ne vient pas de rien mais notamment du comportement des psychanalystes durant la période qui court entre les dernières années de l’École Freudienne de Paris et aujourd’hui.
Les psychanalystes, et tout particulièrement ceux qui se revendiquent de l’héritage de Jacques Lacan, ont eu le grand tort de croire à la fin de l’Histoire se pensant pour toujours et malgré les avertissements répétés de Lacan à ce propos, comme définitivement installés au sommet des Sciences humaines, dominant le discours scientifique, influençant les médias et alimentant de leur réflexion et de leur théorie les artistes et l’ensemble des pouvoirs en place.
Ce qu’ils ont oubliés à cette occasion, c’est que leur domination avait mis près d’un siècle à s’établir, que leur profession avait pris son assise de la psychiatrie, elle-même bâtie sur la théorie de Charcot sur l’Hystérie comme le montre si bien Jan Goldstein dans son ouvrage « Consoler et classifier »2 et que si l’espace qu’ils avaient réussi à occuper pouvait un temps se maintenir notamment grâce à Lacan, il suscitait une envie croissante et que nombreux étaient ceux qui voulaient leur part du gâteau, et en particulier dans le monde capitaliste, les fabricants de petites pilules qui, par l’introduction d’une nouvelle classification excluant l’hystérie, le fameux DSM, allait tenter avec succès de les en déloger.
Le triomphalisme, la morgue, le dédain des autres disciplines, le refus de voir nos défauts, notre incapacité à nous interroger sur le fond quant à nos fonctionnements institutionnels, la hargne contre les psychiatres pourtant formés à la psychanalyse : tout cela nous revient aujourd’hui sous cette forme peu agréable mais en quelque sorte, même si nous ne sommes pas les seuls responsables, la part que nous avons prise dans les coups que nous recevons aujourd’hui n’est pas totalement imméritée. Pour avoir combattu en vain certains de ces comportements, parfois encore présents aujourd’hui, je suis assez bien placé, me semble-t-il, pour en témoigner.
En refusant une quelconque exclusion, en posant les limites du cadre de ceux auxquels je souhaitais m’adresser, excluant par conséquent ceux qui à l’évidence n’en faisaient pas partie, en prenant en compte la place de la psychanalyse dans la cité, en appelant à une politique pour la psychanalyse à la défense des fondamentaux de la psychanalyse, en incluant le nécessaire outil que représentent les nouvelles technologies, en appelant à sortir d’un parisianisme désuet, je pense avoir été à la fois fidèle à mes valeurs, avoir préparé le terrain à une action déterminée et efficace et pour tout dire avoir été fidèle à ma façon, à la pensée de Jacques Lacan qui fut mon analyste. Sans hypocrisie et sans inféodation. Car qui, sinon ce dernier, s’est toujours adressé à tous les analystes et particulièrement aux analystes de l’IPA dont il avait été pourtant exclu et d’une façon particulièrement humiliante, qui, sinon lui, nous a invités à prendre l’Histoire avec un grand H en considération y compris dans la direction de la cure, qui autant que lui a réfléchi aux fonctionnements de nos associations , nous a averti de la fragilité de l’inscription de la psychanalyse dans la société moderne et du danger qu’elle courait au sein du monde capitaliste?
Je passe rapidement sur certains événements pour en venir à deux moments clés. Tout d’abord le projet de loi de Bernard Accoyer. Vous le savez le feuilleton continu. Il y a eu des épisodes mémorables. Une chose est certaine, dans les débats qui ont opposé les tenants de la négociation à ceux qui refusaient tout compromis, le site oedipe a joué un rôle très important. Sans lui le débat aurait été cantonné aux journaux acceptant avec parcimonie les articles des deux bords. Grâce au forum justement intitulé « Une politique pour la psychanalyse » le débat a pu avoir lieu et chacun a pu s’informer au fur et à mesure de la situation et donner son avis, voire à certains moments – clé peser de façon déterminante pour éviter le pire.
Là aussi, il faut le dire l’outil était prêt et s’est révélé à la hauteur des enjeux. Certes le « Groupe de contact » avait réussi grâce à l’action de Jacques Sedat à réunir dans des débats souvent âpres différentes associations psychanalytiques. Et les associations de l’IPA avaient accepté de siéger avec certains groupes lacaniens. Mais l’École de la Cause Freudienne n’en faisait pas partie ainsi que nombre de « petites » association sans compter les 50 % d’analystes non encartés.
Le site oedipe fut donc , à cette occasion, le seul lieu de débat ouvert à toutes les tendances de la psychanalyse.
Le second événement fut la rencontre organisée par le site oedipe autour de la publication de l’œuvre parlée de Jacques Lacan, dont le compte-rendu se trouve sur le site..3 La question de la transcription, de ses modalités, des autorisations de publications des versions pirates, toutes ces questions brûlantes méritaient d’être discutées ; Elles le furent avec tous ceux qui étaient directement concernés par ces questions. La rencontre fut l’occasion de débats souvent passionnés, entre des analystes de courants opposés. Ce fut un événement. Un premier pas, sans doute inachevé, mais un premier pas quand même.
Venons en maintenant à Rafah Nached. Je n’hésite pas à dire que cette collègue a rendu un fier service à la psychanalyse car elle a donné à beaucoup de gens une image positive de la psychanalyse. D’abord parce qu’il s’agit d’une femme. Jacques-Alain Miller a d’ailleurs tout à fait bien perçu l’intérêt qu’il y avait à mettre en avant la solidarité des femmes avec Rafah Nached. C’est autour de cette idée qu’il a consacré une après-midi des journées qu’il avait organisé au Palais des Congrès Porte Maillot à produire les témoignages de femmes en soutien à notre collègue. Médiatiquement la femme s’associe pour beaucoup à une image de non-violence, une image maternelle, de faible s’opposant aux forces de répression. Une femme donc, psychanalyste, arrêtée par un pouvoir dictatorial, dont la presse tenait et tient toujours le décompte des atrocités répressives dont elle se rend coupable. Une psychanalyste non-médecin, laïque comme on dit. Arrêtée parce qu’elle se mettait dans l’exercice de ses fonctions à l’écoute des hommes et des femmes de tout bord dont le psychisme se trouvait ébranlé par la situation dans laquelle se trouve la Syrie. Une femme psychanalyste syrienne plongée dans le maelström des révolutions arabes dont le monde entier suivait avec stupéfaction, inquiétude et espoir le déroulement. Une femme prenant en charge des enfants aussi dont certains avaient été torturés par le régime. Une femme certes en relation avec certains groupes lacaniens, mais dont l’attitude avait toujours été ouverte à tous les courants traversant la psychanalyse. Une femme entourée de collègues, constituant un premier noyau de psychanalyste en terre islamique et traduisant Freud en arabe pour ses collègues
Une femme libre, une collègue exemplaire. Que pouvions-nous rêver de mieux pour défendre notre cause au niveau mondial ?
De plus, grâce au réseau d’amitiés qu’elle avait constitué et au fait qu’une partie de sa famille réside en Europe – sa fille à Paris, son fils à Londres- les contacts par Internet et par téléphone étaient maintenus notamment avec son mari professeur à l’Université de Damas.- Ces contacts, le régime Assad n’avait pas réussi à les empêcher malgré le fait que des technologies de pistage des internautes étaient parvenues via une société italienne dans les mains de la sécurité syrienne.
Après l’appel de Sophie de Mijolla, il fallait mettre en place les outils de ce combat qui pouvait- et c’était ma crainte- se prolonger des semaines voir des mois. Très vite, Jacques-Alain Miller a compris l’importance des enjeux et a lancé toutes les forces de l’ECF dans la bataille, multipliant les contacts avec diverses personnalités. Pour ma part, j’avais comme objectif la mobilisation, de par le monde, de toutes les associations psychanalytiques sans exclusive. Mais d’abord il fallait commencer par le commencement et le commencement sur Internet c’est d’abord la mise en place d’une pétition. Mais celle-ci ne saurait être considérée comme autre chose que comme un premier tremplin visant deux objectifs : mobiliser les médias et fédérer, au moins de façon provisoire, une communauté. Ce sont ces deux objectifs qui ont été visés et qui ont été atteints.
Dans l’ordre, il est clair que les médias se sont très vite intéressés à l’emprisonnement de Rafah Nached. Nous avons fait le nécessaire pour cela , informant les rédactions, multipliant les contacts avec les journalistes. Pas seulement moi et Robert Bitoun, avec lequel j’ai constamment travaillé et qui m’a aidé à mettre en place les outils sur Internet, mais les signataires de la pétition qui ont relayé à leur tour l’information, et avec lesquels j’ai tenu à être en contact direct répondant personnellement et jusque fort tard dans la nuit, aux nombreux courriels qu’ils m’adressaient. Nous avons eu la chance de trouver, grâce à notre pétition, un relais dans tous les médias : de France -inter à France-culture, du « monde » à « libération », « La croix » etc même TF1 qui a mis l’information et la page du site consacré à Rafah Nached au 20h !
L’un des aspects les plus intéressants de cette pétition fut la réaction des signataires aux courriers que je leurs adressaient régulièrement pour les informer des derniers évènements survenus dans la mobilisation ainsi que sur l’état de santé de Rafah Nached. J’ai considéré que chaque signataire s’engageait, en signant la pétition, à suivre jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la libération de Rafah Nached, l’action dans son déroulement. Dans ma naïveté, je pensais que cela allait de soi. Ce n’était pas le cas. Pour ma part je ne suis absolument pas un signataire de pétitions. Pour moi signer, c’est prendre un engagement et des engagements, je n’en prends que si je suis en mesure de les tenir dans le long terme en respectant les équilibres de ma vie personnelle et professionnelle. Mais visiblement cela n’est pas le cas pour tout le monde, et bientôt, j’ai reçu des courriers, certains absolument furieux, me reprochant de leur envoyer régulièrement des informations et lorsque je continuais à les leur faire parvenir, montant le ton de façon de plus en plus agressive.
Il se trouve que ma réaction d’abord d’incompréhension puis d’irritation se traduisit d’abord par une procédure technique. J’ai demandé d’inclure dans chaque message une procédure de désinscription. Mais le hasard a voulu que cette désinscription se soit trouvée couplée avec une suppression de la signature sur la pétition, ce que je n’avais pas demandé explicitement à Robert Bitoun. Mais voilà, pour une raison ou pour une autre ça s’est trouvé comme ça, et en y réfléchissant j’ai trouvé que c’était finalement extrêmement cohérent et j’ai demandé que cela soit maintenu. J’ai alors reçu un certain nombre de courriers demandant à cor et à cri le rétablissement de l’inscription, courriers auquel j’ai répondu qu’il fallait choisir : ou signer la pétition et recevoir les informations jusqu’à la libération de notre collègue ou bien ne plus faire partie des signataires.
Je me suis expliqué sur cette décision et si c’était à refaire je referai exactement la même chose. Comme je l’ai alors écrit, une pétition n’a jamais fait libérer personne, mais une pétition associée à d’autres actions, une pétition comme tremplin oui cela est possible et la libération de Rafah Nached en est une preuve.
Du côté maintenant des réactions des associations psychanalytiques j’ai volé de divine surprise en divine surprise et la moindre ne fut pas la recommandation du président de l’IPA aux membres de l’Association Internationale de signer la pétition sur oedipe ou sur une autre pétition qui circulait en Belgique ! Au bout d’un certain temps, de l’ECF à la Société Psychanalytique de Paris, grâce à l’action en tout point remarquable de son président et de son Conseil d’administration, la quasi-totalité des associations psychanalytiques de la plus petite à la plus grande avaient appelé à rejoindre le mouvement que nous avions initié et à signer notre appel. Seules exceptions à ma connaissance L’École Lacanienne de Psychanalyse dont Jean Allouch m’a fait part sans davantage expliciter sa position et l’Association Psychanalytique de France dont cependant certains membres ont tenu à dénoncer la passivité en m’assurant de leur soutien.
Progressivement aussi, je me suis mis à recevoir , du fait des relais qui se mettaient en place, des retours venant de tous côtés et de tous pays. Proposition d’intervention auprès de l’épiscopat, d’Amnesty International, de Médecin du Monde, de Médecin sans frontières, d’Human Right Watch. On me recommandait de me mettre sur Avaaz qui concentre toutes sortes de pétitions et puis aussi des messages ont commencé à me parvenir de tous pays, si bien que les petits ruisseaux faisant des grandes rivières, il m’a fallu commencer à envoyer des messages dans la langue des pays concernés. J’ai alors fait appel à des traducteurs bénévoles et miracle, j’ai reçu des propositions venues du monde entier ! si bien que je pouvais à la fin adresser mes messages dans plus de 8 langues arabe, grec et esperanto compris !
Faut-il encore parler de la résolution du Parlement Européen qui m’a fait découvrir les travaux de cette assemblée que j’ignorai jusque-là et dont on peut suivre le déroulement dans toutes les langues directement sur Internet ? L’action conjuguée de Jacques-Alain Miller et du site a permis que cette résolution soit votée.
Restait une dernière étape, la mise en place du Comité de soutien, car comme je l’ai dit il fallait se préparer à durer. Je lançais alors l’idée d’un tel Comité et ce dernier ne se réunit finalement que deux fois mais avec l’appui de toutes les organisations signataires. Je dois souligner que ces deux réunions furent toutes les deux constructives et dans une ambiance de travail. La première avait pour objectif la mise en place d’un axe commun de travail et la mobilisation des universités, la seconde de faire le point sur la situation générale en Syrie et sur les actions que nous pouvions entreprendre.
Sans doute y aurait-il encore beaucoup à dire, mais voilà l’essentiel. Je voudrais conclure en disant que ce fut beaucoup de travail mais que j’y ai pris un véritable plaisir ainsi qu’un grand intérêt, que je continue bien entendu à suivre les événements en Syrie m’inquiétant, comme vous sans doute, des dérives et des récupérations des révoltes arabes mais gardant l’espoir dans la démocratie comme futur possible de ces nations.
Demain, aujourd’hui même, face au monde qui s’interroge, la psychanalyse a une responsabilité particulière. J’ai dit la question de l’autisme mais il y aura, il n’en fut pas douter, de multiples occasions où une réponse cohérente de l’ensemble des associations psychanalytiques s’imposera comme une nécessité vitale . Le site oedipe et tous ceux qui m’assurent de leur aide et de leur estime agiront en sorte que cette politique pour la psychanalyse voit enfin le jour.
Dr Laurent Le Vaguerèse
6, rue Mizon
75015 Paris
Psychiatre-Psychanalyste
Compétent en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent.
Responsable du site oedipe. org
tel : 0143226534
secretariat@oedipe.org
site : http://www.oedipe.org
- Connectez-vous ou inscrivez-vous pour publier un commentaire
Comments (3)
Super rapport moral, l'ami, surtout pour près de 25 ans d'activité!
( Mais, je ne te reproche évidemment pas les travers du P.C. cubain et de son premier congrès tenu ces jours-ci depuis des décennies...)
En avant pour de nouvelles aventures et peut-être le rétablissement d'une psychanalyse moins...groupusculaire et si coupée,quand-même, de son temps ces dernières années
Merci pour le boulot fait.
Et Solidarité par tous les moyens avec le soulèvement indomptable du Peuple Syrien pour ses droits!
Excellente synthèse. Et on peut rendre hommage à l'énergie des animateurs d'Oedipe.org, à commencer par son responsable.
En signant cette pétition, c'est bien pour tous ces enjeux mêlés- exposés dans ce texte de LLVaguerèse - que je signais effectivement.
Ceci étant, chacun après a ses points de vue plus singulier sur tel ou tel détails. Ainsi, bien plus jeune que nombreux acteurs du lacanisme, et pour le moment non praticienne, j'ai une certaine distance avec les houles qui suivirent la mort de J.L. Ainsi, par exemple, je ne partage pas en bloc l'idée que les ex-proches de Lacan auraient eu des réactions "infantiles" de petits enfants lésés (comme le dit en substance LLV ci-dessous), quand J.A. Miller a pris en main les affaires des séminaires.
Car il semble que de l'autre côté (ECF) l'état d'esprit n'était particulièrement "partageur", ça ne supportait pas que d'autres voix porte le message de Lacan, il y eut beaucoup de mépris (et de méprise), etc... Donc selon moi, cette fermeture défensive et exclusive du clan Miller a aussi encouragé, attisé la révolte des autres en face..Et ça me semble légitime qu'on se révolte de ça, quand on s'est investi et qu'on a contribué à la transmission analytique, et à l'enseignement lacanien.
Quand j'ai vu le film sur Lacan (à la TV) réalisé par G. Miller en 2011, j'ai donc trouvé un peu provocant et donc symptomatique qu'on n'y voit ni y entende aucun analyste actuel hors de l' ECF. Ce film, pourtant sympathique (comme son auteur), assez agréable esthétiquement et plutôt intéressant, ne donnait cependant pas une vision de la réalité de la vie psychanalytique française actuelle et héritée de Lacan.
Pour le reste : tout cela donne-t-il envie de pratiquer la psychanalyse ? Les guéguerres narcisses et très françaises entre psychanalystes, qui ressemblent étrangement aux rivalités des gens des médias et du show-biz : résolument non.
Une femme comme Rafah Nached : évidemment oui. Au fond, elle est devenue et restera un "modèle" d'humanité et de professionnalisme, qu'on soit ou non psychanalyste d'ailleurs.
Bien à tous.
Je viens de lire ce long texte, et au final, me réjouissant comme tous de la liberté de Rafah Nached, et comprenant que M. Le Vaguerèse s'en réjouisse aussi et nous fasse part de la façon dont il a fédéré de nombreux groupes, ... je ne peux m'empêcher de ressentir un malaise certain dont je voudrais faire part.
M. La Vaguerèse ici, semble plus prendre le partie de "son" site que tout autre chose. Il multiplie les exemples de l'action qu'il a menée et, qui, on s'en réjouit encore une fois, a contribué à faire libérer un esprit libre. Mais quand même : comment faut-il entendre cette phrase : "notre collègue a rendu un fier service à la psychanalyse ... d'abord parce qu'elle est une femme"?
Et celle-ci : "J.A. MIller a bien compris tout l'intérêt (sic) qu'il y avait à mettre en avant la solidarité des femmes avec Rafah Nached". Rien ne vous dérange, rien ne vous choque dans ces formulations ?
L'intêret pour la psychanalyse (et pour le site) serait-il, par hasard, plus important que la personne humaine soutenue, celle de Mme Nached et son combat, autrement plus difficile à tenir dans la Syrie de la dictature que la récolte de signatures en vue d'une pétition. Et le fait qu'elle soit une femme, n'est-ce pas encore une fois une façon d'instrumentaliser la personne humaine en fonction de son sexe et de supposer aux femmes une solidarité "féminine" qu'elles ne pourraient avoir pour un collègue, ou un personne de l'autre sexe, menacé, emprisonné.
Décidemment les psychanalystes me paraissent incorrigibles : leur narcissisme, leur souci de leur valeur, plutôt que celle de l'être humain, leurs querelles de chapelle plutôt que l'engagement politique ou sociale, sont déprimants. A quand un appel pour aller manifester devant l'ambassade de Syrie, (y compris dans le froid), à favoriser des rencontres autour de Mme Nached, et non autour du site ?..
Je suis pourtant de votre chapelle : ayant toujours fait en sorte de n'être d'aucun groupe, je me réjouis de ne m'être fait inféodée nulle part, "Oedipe" sur la toile, compris.
Pages