Les Alchimies Sarah Chiche par P_G Despierre

Sarah Chiche

Les alchimies

Son style m’avait déjà plu dans le très efficace ouvrage

« Une histoire érotique de la psychanalyse » sans

fioritures, préjugés, ni langue de bois, elle distillait

jusque dans ses moindres recoins, la place souvent

méconnue des femmes dans la genèse et l’histoire de

la psychanalyse. Avec sa langue vraie, au sens d’une

parole vraie lacanienne, Sarah Chiche nous offre

aujourd’hui avec « Les alchimies », un roman qui ne

se résume pas à la quatrième de couverture ; pour moi

c’est l’anamnèse de la vie de Camille qui se déroule

sous nos yeux. Dans la synchronie d’une vie qu’elle

décrit elle-même, jusqu’à la diachronie du temps, des

révélations, des non-dits, des secrets de familles qui

comme un thriller s’offrent à l’impatience du lecteur.

Si chaque auteur met de lui-même dans son oeuvre

sans toujours le savoir consciemment, ici je pressens

les fantasmes ou démons de Sarah issus d’une famille

et d’une communauté si souvent persécutée.

Elle nous offre avec ce roman un cas clinique, où le

personnage principal Camille n’a pas choisi sa vie ni

sa profession ; - elle fut choisie, par ses parents, sans le

savoir jusqu’au moment de la révélation.

L’auteur, comme le psychanalyste qu’elle est, ne

donne pas de fin à ce roman d’une vie, celle-ci reste à

imaginer par le lecteur, simple et lourde de savoir.

Les démons révélés à Camille, tout comme ceux de

San Adrian qui cherche le crâne de Goya, seraient-ils

sans rapport avec ceux qui hantent l’esprit de Sarah ?

- J’ai eu un cas clinique, une petite fille de S.S. ne

connaissant pas ses origines, qui me fut envoyée pour

un syndrome d’alcoolisme. Au milieu de sa cure, au

bout de cinq ans, des images d’enfance révélatrices

d’un savoir insu lui montrèrent l’origine et l’horreur

qui la hantaient ; le diable de ses rêves. Sa vie et sa

carrière en furent changées, bouleversée, elle devint

écrivain pour métaboliser son indélébile culpabilité

vis-à-vis des juifs par l’écriture de pièces de théâtre.

Ici, Sarah Chiche nous offre un beau roman

d’aventures, surprenant par son déroulement, tel une

cure psychanalytique, où les premières couches qui

refluent à la surface ne sont pas celles qu’on attend.

Quid des couches plus anciennes ou plus récentes ?

Comme en géologie ou en archéologie, selon la

définition que Freud donna à maintes reprises de son

art, mais ça, c’est une autre histoire.

P-G. Despierre

4 octobre 2023