Ivre de femmes et de peinture (Chihwaseon)

ivre

Film sud-coréen (2001). Drame, Biographie

Au XIXe siècle, "Ohwon" Jang Seung-Up est un artiste peintre coréen connu, non seulement pour son art qu'il maîtrise à la perfection mais également pour son mode de vie libertin, son excentricité et son amour immodéré de l'alcool. Né en 1843, il disparut en 1897.

Réalisé par Im Kwon-taek

Avec  Min-Shik Choi, Sung-Ki Ahn, You Ho-Jeong, Kim Yejin, Ye-jin Son

Site officiel  http://www.chihwaseon.com/

Quand ?

Date de sortie : 27 Novembre 2002

« Ivre de femmes et de peinture »

Ce film du cinéaste coréein Im Kwon-taek est une biographie filmée du peintre "Ohwon" Jang Seung-Up né en 1843, disparu mystérieusement sans laisser de trace en 1897. Cet artiste peintre coréen connu, non seulement pour son art qu'il maîtrise à la perfection mais également pour son mode de vie libertin, son excentricité et son amour immodéré de l'alcool. fut le témoin des bouleversements d'une Corée tentée par le progrès au XIXe siècle.

On est à la fin de la dynastie Chosun qui régnait depuis 500 ans sur le pays. En parallèle à la défaite de la Chine face à la Grande-Bretagne en 1842 et l'ouverture du Japon à l'extérieur sous la pression des Etats-Unis, la Corée fut obligée de signer divers traités avec les puissances impériales. L'aristocratie du pays chercha à tirer profit d'alliances avec l'étranger. Cette ouverture engendra de nombreux désordres sociaux et le peuple finit par se révolter. Le moteur éthique et intellectuel de cette évolution fut un mouvement religieux appelé Tonghak, "science de l'Est", par référence au catholicisme connu à l'époque sous le nom de "Science de l'Ouest."

D'origine roturière, le peintre Ohwon a, petit à petit, après une enfance et une jeunesse rudes et misérables, atteint la célébrité et la reconnaissance, jusqu'à se voir confier une série de commandes par le roi mais sans jamais pourtant pouvoir prétendre à un authentique anoblissement social, empêché à la fois par ses origines modestes et son comportement individualiste et anticonformiste. C'est un marginal contestataire qui se refuse à exécuter ses œuvres sur ordre et préfère la paillardise, l'ivresse et le sexe aux ors et aux pompes de la cour royale en déclin.!..

Le génie de ce peintre, lié aux circonstances historiques, en a fait un personnage majeur de l'identité culturelle de son pays. Mais comment peut-on être à la fois un artiste national et affirmer la singularité imprescriptible de toute véritable œuvre d'art . Ohwon est partagé entre la reconnaissance d'une filiation (ses relations avec son maître) ainsi que l'appartenance à un grand tout historico-social et la volonté d'affirmer son individualité créatrice qui le fait fuir à travers le pays à la quête de paysage qui le révéleront à lui même .

Sous des dehors historiques et esthétiques, le cinéaste réalise un film plein de force et d'impertinence car il s'interroge de manière très actuelle sur la place de l'artiste dans la société , questionnant avec beaucoup de finesse la fonction sociale de l'art . L'ébouriffante beauté plastique d'Ivre de femmes et de peinture trahit évidemment le projet du cinéaste de rivaliser avec son propre personnage. La lumière, la texture des éléments, l'organisation des couleurs, des costumes rituels sont les sujets d'un film qui, grâce à la précision de la mise en scène, effleure même une abstraction fascinante

Im Kwon-Taek choisit de nous placer au cœur de la tourmente intérieure de ce peintre, d'abord clochard et mendiant avant de devenir par la seule force de son travail, de son talent et des évènements politiques changeants un peintre de renom, un Maître reconnu de tous.Mais cela se paye de la souffrance perpétuelle que porte en lui l'artiste-peintre errant. Perpétuellement insatisfait, exigeant, il crie, boit, défie les Cieux sous l'orage, déchiré, déchirant, violent comme l'éclair et la foudre ; il déchire son œuvre l'abandonne, refuse parfois de la reconnaître. Il amoncelle des brouillons, se noie dedans, comme dans cette séquence où il disparaît sous un océan de papiers griffonnés-déchirés.

La pulsion est totalement au centre des actions du héros. Le jaillissement des formes sous le pinceau du peintre est de façon limpide rattaché à un déchaînement libidinal. Le plan furtif de quelques gouttes de sperme après un coït effréné et interrompu du héros et d'une prostituée vient littéralement souligner cette dimension.

La caméra, avec sensualité et finesse, plonge au cœur des dessins, fixe le coup de pinceau, vif et précis sur la délicate feuille blanche posée à plat sur le sol, elle cadre la main sur le pinceau, filme l'observation méticuleuse et patiente de la nature par l'artiste en travail. Ohwon capte avec génie, la précision d'un feuillage, le frémissement d'un plumage d'oiseau, un insecte sur un brin d'herbe. Ohwon peint la nature telle qu'elle est, vivante, intense et souveraine. Il communie avec elle, c'est sa Muse. " La vraie peinture parle d'elle-même ", aime-t-il à répéter, point besoin de littérature qui accompagne le trait, comme souvent à cette époque.

Pour inviter à aller voir ce film on pourrait en dire la même chose : «  il parle de lui-même » mais surtout il nous parle .