Irvin Yalom Le problème Spinoza par P.-G. Despierre

Irvin Yalom Le problème Spinoza

Irvin Yalom

Le problème Spinoza

Livre de poche, 2021

 

Irvin Yalom est psychiatre et psychanalyste, auteur de nombreux essais, romans et récits. Dans cet ouvrage, il visite le musée Spinoza d’Amsterdam, de là, il saisit comment ce juif sépharade portugais converti de force au catholicisme est arrivé à Amsterdam dans une communauté juive, où il deviendra le fondateur d’une pensée contestataire de la superstition religieuse de cette même communauté. Spinoza développe ce qu’on pourrait appeler  une pensée marrane, pensée philosophique issue de l’affrontement de deux religions, juive et catholique, où l’enjeu pour chacune est la superstition utilisée à des fins politiques d’asservissement. Mais pour Spinoza, Dieu ce n’est pas ça. Il est alors mis au ban du conformisme orthodoxe de sa famille et chassé de la communauté qui l’en exclut en 1656.

Comme un tisserand, Yalom entrecroise deux fils, celui de la vie de Baruch de Spinoza et celle d’Alfred Rosenberg, farouche antisémite, fondateur de la pensée nazie dont il fut le propagandiste toute sa vie. Deux vies s’entrecroisent dans ce roman, où l’on voit que Rosenberg avait une étrange et obsédante curiosité pour Spinoza.

De source officielle, suite au procès de Nuremberg le terme « Le problème spinoza » » apparut, énigme qui a toujours hanté ce nazi.

Après des recherches dans les archives, Yalom découvre que cet éminent dirigeant du parti nazi, responsable de la rééducation du peuple allemand, via le principal journal du parti, lors de l’invasion de la Hollande en 1941, avait confisqué la totalité de la bibliothèque de Spinoza dans l’ex-demeure de celui-ci devenue un musée. Du procès de Nuremberg, Irvin Yalom eut assez d’informations pour considérer Rosenberg comme un cas clinique. 

Rosenberg aurait-t-il lu l’Éthique ?

Est-ce là le mystérieux « Problème Spinoza » ?

Peut-on admirer l’œuvre d’un homme qu’on déteste ? Dont on hait le groupe humain ? Problème toujours contemporain aujourd’hui sous des aspects certes différents liés à l’époque.

Tout au long de ce roman historique, l’auteur tente de proposer des explications en fonction de sa pratique de médecin des âmes,  avec talent. L’étude de ces deux personnages menée conjointement tisse une trame qui donne à ce texte une clarté simple et exemplaire pour tous ceux qui veulent découvrir l’Éthique de Spinoza et la folie de Rosenberg, sa haine des juifs. Rosenberg sera condamné à Nurenberg et pendu. Spinoza mourra avant de terminer son Traité des autorités théologique et politique  le 21 février 1677 à environ quarante ans, seul, de tuberculose.

Il faudra quelques années encore pour que le monde entier connaisse sa valeur de philosophe et en particulier son Éthique qui fit tant énigme à Rosenberg.

 

 

P.-G. Despierre, psychanalyste, écrivain, essayiste

6 Mars 2022