Soumis par Le Vaguerèse Laurent le
MANIFESTE ( Publié dans l'édition d'aujourd'hui du journal "Le monde")
80 psychanalystes s’insurgent contre l’assaut des « identitaristes » dans le champ du savoir et du social
« Les intellectuels ont une mentalité plus totalitaire que les gens du commun » écrivait Georges Orwell (1903-1950), dans Essais, Articles et Lettres.
Des militants, obsédés par l’identité, réduite à l’identitarisme, et sous couvert d’antiracisme et de défense du bien, imposent des idéologies racistes par des procédés rhétoriques qui consistent à pervertir l’usage de la langue et le sens des mots, en détournant la pensée de certains auteurs engagés dans la lutte contre le racisme qu’ils citent abondamment comme Fanon ou Glissant qui, au contraire, reconnaissent l’altérité et prônent un nouvel universalisme.
Parmi ces militants, le Parti des indigènes de la République -dit le PIR- qui s’inscrit dans la mouvance « décoloniale ».
La pensée dite « décoloniale » s’insinue à l’Université et menace les sciences humaines et sociales sans épargner la psychanalyse. Ce phénomène se répand de manière inquiétante et nous n’hésitons pas à parler d’un phénomène d’emprise qui distille subrepticement des idées propagandistes. Ils véhiculent une idéologie aux relents totalitaires.
Réintroduire la « race » et stigmatiser des populations dites « blanches » ou de couleur comme coupables ou victimes, c’est dénier la complexité psychique, ce n’est pas reconnaître l’histoire trop souvent méconnue des peuples colonisés et les traumatismes qui empêchent la transmission.
Une idéologie qui nie ce qui fait la singularité de l’individu, nie les processus toujours singuliers de subjectivation pour rabattre la question de l’identité sur une affaire de déterminisme culturel et social.
Une idéologie qui secondarise, voire ignore la primauté du vécu personnel, qui sacrifie les logiques de l’identification à celle de l’identité unique ou radicalisée, dénie ce qui fait la spécificité de l’humain.
Le livre de Houria Bouteldja, porte-parole du PIR, intitulé Les Blancs, les Juifs et nous. Vers une politique de l’amour révolutionnaire (La Fabrique, 2016), soutenu par des universitaires et des chercheurs du CNRS, prétend défendre les victimes - les « indigènes » - alors qu’il nous paraît en réalité raciste, antisémite, sexiste et homophobe et soutient un islamisme politique. L’ensemble du livre tourne autour de l’idée que les descendants d’immigrés maghrébins en France, du fait de leurs origines, seraient victimes d’un “racisme institutionnel” - voire un racisme d’Etat-, lequel aboutirait à véritablement constituer des “rapports sociaux racistes”.
L’auteure s’adresse aux « Juifs » : « Vous, les Juifs » : des gens qui pour une part seraient étrangers à la « blanchité », étrangers à la « race » qui, depuis 1492, dominerait le monde (raison pour laquelle elle distingue les « Juifs » des « Blancs »), mais qui pour une autre part sont pires que les « Blancs », parce qu’ils en seraient les valets criminels.
Fanon, auquel les décoloniaux se réfèrent, ne disait-il pas : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous ».
Le racialisme pousse à la position victimaire, au sectarisme, à l’exclusion, et finalement au mépris ou à la détestation du différent, et à son exclusion de fait. Il s’appuie sur une réécriture fallacieuse de l’histoire qui nie les notions de progrès de civilisation mais aussi des racismes et des rivalités tout aussi ancrés que le racisme colonialiste.
C’est par le « retournement du stigmate » que s’opère la transformation d’une identité subie en une identité revendiquée et valorisée qui ne permet pas de dépasser la « race.
Il s’agit là, « d’identités meurtrières » (Amin Maalouf) qui prétendent se bâtir sur le meurtre de l’autre.
Ne nous leurrons pas, ces revendications identitaires sont des revendications totalitaires, et ces dérives sectaires, communautaristes menacent nos valeurs démocratiques et républicaines en essentialisant les individus, en valorisant de manière obsessionnelle les particularités culturelles et en remettant à l’affiche une imagerie exotique méprisante que les puissances coloniales se sont évertuées à célébrer.
Cette idéologie s’appuie sur ce courant multiculturaliste états-unien qu’est l’intersectionnalité en vogue actuellement dans les départements des sciences humaines et sociales. Ce terme a été proposé par l’universitaire féministe américaine Kimberlé Crenshaw en 1989 afin de spécifier l’intersection entre le sexisme et le racisme subi par les femmes afro-américaines. La mouvance décoloniale peut s’associer aux « postcolonial studies » afin d’obtenir une légitimité académique et propager leur idéologie. Là où l’on croit lutter contre le racisme et l’oppression socio-économique, on favorise le populisme et les haines identitaires. Ainsi, la lutte des classes est devenue une lutte des races.
Des universitaires, des chercheurs, des intellectuels, des psychanalystes s’y sont ralliés en pensant ainsi lutter contre les discriminations. C’est au contraire les exacerber.
Isabelle de Mecquenem, professeure agrégée de philosophie, a raison de rappeler que « emprise » a l'avantage de faire écho à l'article L. 141-6 du code de l'éducation. Cet article dispose que « le service public de l'enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique (…) ». Rappelons que l'affaire Dorin à l'Université de Limoges relève d'une action sectaire (propagande envers les étudiants avec exclusion de toute critique).
Il est impérieux que tout citoyen démocrate soit informé de la dangerosité de telles thèses afin de ne pas perdre de vue la tension irréductible entre le singulier et l’universel pour le sujet parlant. La constitution psychique pour Freud n’est en aucun cas un particularisme ou un communautarisme.
Nous appelons à un effort de mémoire et de pensée critique tous ceux qui ne supportent plus ces logiques communautaristes et discriminatoires, ces processus d’assignation identitaire qui rattachent des individus à des catégories ethno-raciales ou de religion.
La psychanalyse s’oppose aux idéologies qui homogénéisent et massifient.
La psychanalyse est un universalisme, un humanisme. Elle ne saurait supporter d’enrichir tout « narcissisme des petites différences ». Au contraire, elle vise une parole vraie au profit de la singularité du sujet et de son émancipation.
Signataires
Céline Masson
Patrick Chemla
Rhadija Lamrani Tissot
Laurence Croix
Patricia Cotti
Claude Maillard
Alain Vanier
Judith Cohen-Solal
Régine Waintrater
Jean-Jacques Moscovitz
Patrick Landman
Jean-Jacques Rassial
Anne Brun
Fabienne Ankaoua
Olivier Douville
Thierry Delcourt
Patrick Belamich
Pascale Hassoun
Frédéric Rousseau
Alice Cherki
Eric Ghozlan
Danièle Rosenfeld-Katz
Catherine Saladin
Alain Abelhauser
Guy Sapriel
Silke Schauder
Kathy Saada
Marie-José Del Volgo
Angélique Gozlan
Patrick Martin-Mattera
Suzanne Ferrières-Pestureau
Patricia Attigui
Paolo Lollo
Robert Lévy
Benjamin Lévy
Houria Abdelouahed
Mohammed Ham
Patrick Guyomard
Monique Zerbib
Françoise Nielsen
Claude Guy
Simone Molina
Rachel Frouard-Guy
Laurent Le Vaguerèse
Françoise Neau
Yacine Amhis
Délia Kohen
Jean-Pierre Winter
Liliane Irzenski
Jean Michel Delaroche
Sarah Colin
Béatrice Chemama-Steiner
Francis Drossart
Cristina Lindenmeyer
Eric Bidaud
Eric Drouet
Marie-Frédérique Bacqué
Roland Gori
Bernard Ferry
Marie-Christine Pheulpin
Jacques Barbier
Robert Samacher
Faika Medjahed
Pierre Daviot
Laetitia Petit
David Frank Allen
Daniel Oppenheim
Marie-Claude Fourment-Aptekman
Michel Hessel
Marthe Moudiki Dubreuil
Isabelle Floch
Pierre Marie
Okba Natahi
Hélène Oppenheim-Gluckman
Daniel Sibony
Jean-Luc Gaspard
Eva Talineau
Paul Alerini
Eliane Baumfelder-Bloch
Jean-Luc Houbron
Emile Rafowicz
Louis Sciara
Fethi Benslama
Marielle David
Michelle Moreau Ricaud
Jean Baptiste Legouis
Anna Angelopoulos
Jean-François Chiantaretto
Françoise Hermon
Thierry Lamote
Sylvette Gendre-Dusuzeau
Xavier Gassmann
Guy Dana
Wladi Mamane
Graciela Prieto
Olivier Goujat