après-midi débat autour du livre de Houria CHAFAÏ-SALHI , « Ce drôle de môme… (L’enfant autiste) »

Date de publication

Dates

Samedi, novembre 24, 2018 - 14:00 - 16:30

Organisateurs

Faïka Medjahed

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Nathalie Bataillon ou Perrot Simon

Adresse

maison des mines et des ponts et chaussées rue Saint Jacques
75004 Paris
France

Présentation libre

Présentation du livre

Ce drôle de môme… (L’enfant autiste) Koukou Éditions, 2018

en présence de son auteur , le Pr. Houria CHAFAÏ-SALHI

Discutante : Faïka Medjahed

Qu’est-ce qui a poussé le Pr Houria Chafaï-Salhi à publier aujourd’hui un travail de recherche mené il y a fort longtemps sur l’autisme, travail censé être sa thèse pour passer le doctorat ?

Comment a-t-elle pensé à éditer un ouvrage qui est un éloge à l’espoir, dans un contexte psycho-médico-socio-politique qui pousse plus au désespoir et au repli sur soi qu’à l’optimisme et au travail d’équipe ?

En quoi ses digressions et son travail éclaté dans divers hôpitaux psychiatriques ou pédiatriques retracent-ils le travail atypique d’une femme qui a consacré sa vie à transmettre un savoir-faire et un savoir « être au plus proche, [qui] n’est pas toucher ; la plus grande proximité est d’assumer le lointain de l’autre » comme dirait Jean Oury ?

Quel est l’intérêt d’un tel opuscule – comme elle aime à présenter son ouvrage – pour les soignants, les parents d’enfants malades, autistes ou autres, mais aussi, pour tous ceux qui s’intéressent à la question de l’autisme, en Algérie et ailleurs ?

Est-ce que cet ouvrage, peut ouvrir des pistes de travail de réflexions/actions, qui aide à sortir « l’autisme » du ghetto dans lequel on veut l’enfermer en Algérie et l’articuler à ce qui se fait ailleurs?

Ce sont ces questionnements et d’autres encore, qui m’ont poussée à proposer à Houria Chafaï-Salhi de présenter son ouvrage à la Fédération des Ateliers de Psychanalyse pour non seulement partager une expérience inédite en matière de prise en charge de l’autisme en Algérie, mais aussi parce que l’actualité de ces dernières années braque les projecteurs sur l’autisme, relayée par le témoignage de parents désespérés, dont la violence des mots proférés contre des psychanalystes sont récupérés au profit d’une idéologie mercantile, attaquant la psychanalyse.

Comme Houria Salhi démonte, chapitre après chapitre, toutes les attaques contre la psychanalyse et que son récit peut être entendu comme un plaidoyer et un hymne à la transmission « d’un savoir lié à une praxis et non au travail abstrait », dans ce récit elle déplie de manière poétique et politique ce qu’elle doit à la psychanalyse, mais aussi à la littérature, au cinéma et à l’art d’une manière générale.

Son récit, comme l’écrit Pierre Delion pour préfacer cet ouvrage, à ne pas confondre comme je l’ai fait avec Pierre Delaunay que j’ai remercié pour cette préface, donc Pierre Delion relève que cet ouvrage déculpabilise les mères d’autistes : « Revenant à la culpabilité des mères, elle en déconstruit les mécanismes, y compris ceux produits par des psychanalystes intempestifs, dans de très belles pages qui redonnent à Ève l’audacieuse, une place de fondatrice qui ne lui est pas souvent attribuée. »

Ève justement est représentée dans cet ouvrage par la mère de Malik. Je cite Houria : « Je garde le souvenir d’une rencontre réussie avec cette jeune femme qui m’a permis d’approcher au plus près de ce qu’est la tentative de rencontre d’une mère avec son enfant autiste. […] Cette jeune femme m’a beaucoup appris sur l’autisme infantile et surtout sur le processus de délitement de la relation mère-enfant. […] Au départ, son mari était atterré […] croyant qu’elle rejetait cet enfant non voulu, parce que son arrivée à interrompu sa carrière […] mais assez vite il a compris qu’elle n’y était pour rien. »

Dans cet ouvrage, Houria Chafaï-Salhi s’interroge, tout en nous interpellant sur l’autisme, pour nous amener à ne pas répondre à ces interrogations mais à réfléchir sur la prise en charge de l’enfant autiste : « Faut-il axer la prise en charge sur les troubles cognitifs et de l’adaptation à un milieu social normé, ou bien privilégier les besoins de l’enfant, de chacun de ces enfants, tant le spectre de l’autisme est large et varié ? »

Elle déplie par petites touches… Je la cite : « […] le cas de ces enfants autistes qui à mon avis se sentent vraiment fragiles et ont donc, plus que d’autres, besoin de sécurité. […] Un des enfants autistes qui était admis à la Clinique des Oliviers, autre lieu où j’ai travaillé, faisait des dessins fantastiques sur la nature environnante, alors qu’il était, en apparence, complètement enfermé en lui-même. […] Les dessins et peintures de Khaled, eux, étaient personnels et surtout animés. […] Quand il dessinait, dans cette belle Clinique des Oliviers, face à la fenêtre ouverte sur le parc, on le sentait rêveur, serein. »

Le désir de transmettre une autre façon d’appréhender l’autisme amène Houria à « parler du corps de l’enfant autiste tel qu’il se donne à voir […] le retrait sur soi, celui qui a donné lieu au terme d’autisme et qui s’exprime particulièrement par l’évitement du regard et du toucher et qui bouleverse les mères lors de ces moments privilégiés de nursing… » Le sens à donner au repli de l’enfant autiste est « celui d’une fuite, généré par la peur » et les questionnements qu’elle se pose et nous propose c’est de prendre le temps de « comprendre la genèse de cette peur et à quoi elle est référée, qui nous donnerait la clé de la compréhension de l’autisme et nous ouvrirait du même coup le champ d’une possible façon de la prévenir, un peu comme on a pu, autrefois juguler les effets de l’hospitalisme chez les nouveau-nés ».

Elle n’hésite pas à dénoncer les nouvelles pratiques médicales de ce monde globalisé où les médecins se réfèrent dans leurs pratiques cliniques aux « troubles envahissants du développement ». Je cite Houria : « J’assume de dénoncer cette dérive induite par le DSM et qui fait que la turbulence d’un gamin en fait un « hyperactif » à traiter médicalement. […] Oui je plaide pour le retour d’une vraie clinique que le DSM a dénaturée. »

Les cas cliniques qu’elle évoque sont émaillés de ses lectures nombreuses et variées dont celles d’autistes tels que Titi Mukhopadhyay, relatant sa perception du champ environnant, dont l’immédiateté d’accès lui procurait un vrai bonheur : « Je pouvais voir les jasmins de la nuit trempés par la rosée matinale éclairés par les nouveaux rayons de soleil, essayant de créer une histoire à travers l’odeur de leurs pétales. » Kaled n’a eu pour s’exprimer que ses peintures, qu’elle a ressenties. Je la cite : « C’est un des échecs qui rend ce métier de pédopsychiatre pour le moins frustrant. »

Elle revient sur l’intitulé de son ouvrage. Ce drôle de môme… (L’enfant autiste), inspiré entre autres par des poètes comme Baudelaire et sa perception de l’environnement à travers son poème Correspondances, qui évoque la Nature, cette forêt de symboles, où « sons, couleurs et parfums se répondent » mais elle fait aussi « référence à la chanson de Léo Ferré sur les poètes […] intuition d’un arôme poétique, perçu depuis longtemps, de façon diffuse au contact de plusieurs enfants autistes. »

Houria ne pouvait manquer d’évoquer l’une des expériences les plus probantes en Algérie, menée par son service de pédopsychiatrie à Blida avec des enseignants, des enfants malades et leurs familles, celle de la création de l’association pour la réhabilitation psycho-éducative infanto-juvénile (ARPEIJ) fondée en 1992 en plein terrorisme : « Au pied du Mont Chréa dans un quartier suburbain, dans une vieille bâtisse, abandonnée pour des raisons de sécurité, […] qu’ARPEIJ a réhabilitée et dont elle a aménagé les lieux pour une prise en charge diversifiée des enfants et adolescents. »

Un livre à lire comme un poème ou une peinture qui dessine les contours de la question de l’autisme telle qu’elle se pose aujourd’hui.

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L’ouvrage n’est pas encore disponible en librairie en France mais vous pourrez l’acheter à l’occasion de cette rencontre.