l'amant double de F.Ozon Par L.Eduardo Prado de Oliveira

l'amant double

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L’Amant Double

(un film sur les psys)

de François Ozon

avec Jérémie Renier, Jacquelinne Bisset

et

Marine Vacht, Marine Vacht, Marine Vacht,

et Marine Vacht

 

 

C’est « l’histoire d’un mec » C’est l’histoire d’un mec qui. Qui ici est une fille, donc c’est l’histoire d’une mec. La fille, c’est Marine Vacht, présente dans la quasi-totalité des plans de ce film. Elle va mal, elle a mal au ventre. Son médecin lui dit que c’est psy. Donc elle va voir un. C’est marqué en bas de son immeuble. PSYCHIATRE. Elle n’a pas un rond, mais c’est un immeuble de luxe, un bureau de luxe, un psy de luxe. Ce n’est pas le dispensaire de santé mentale du coin de chez elle. C’est un psy de luxe.

C’est très bien filmé. La caméra montre une symétrie parfaite entre le psy et la fille. Ils sont en face-à-face, plutôt proches l’un de l’autre, l’une de l’autre, très proches même. Et ils se rapprochent davantage. La fille va mieux, elle est guérie. Le psy met fin à leurs entretiens. « J’éprouve des sentiments incompatibles avec la poursuite de ce traitement, » dit-il. La fille s’avance, l’embrasse, les voilà en couple, installés dans un bel appartement. Elle travaille enfin comme surveillante de musée.

Nous savons tous, ce sont des choses qui arrivent, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. D’ailleurs, il y en a, dans ce film, des félins. Tous un peu louches. Le couple bat de l’aille. Le psy travaille trop à l’hôpital. La fille est méfiante. La voilà qui un jour le voit devant un musée, avec une autre fille. Elle s’enquiert, fait son enquête, et elle arrive devant un immeuble.

En bas de l’immeuble c’est marqué « PSYCHANALYSTE – thérapies cognitives et comportementales. » Tiens, tiens. La fille va voir ce « nouveau » « psy ». C’est un double du premier. Elle s’explique. Il l’injurie. Séances courtes. Il la met au défi de revenir, en sachant que ses séances sont très chères. Cent cinquante euros. Elle revient. La caméra a changé de perspective. Leurs fauteuils sont très rapprochés, mais ils ne sont plus symétriques. « Ah, en v’là un qui a compris la différence, au moins. » C’est encore pire.. Comme c’est de la psychanalyse cognitive et comportementale ( ???), le psy la reçoit dans son lit et la travaille : « La prochaine fois, tu jouiras. » Elle jure de ne plus revenir. Elle revient et à chaque fois elle casque trois billets de cinquante. Comme elle jouit, la caméra filme de l’intérieur un canal vaginal au moment de la jouissance selon Ozon : ça se dilate et ça se contracte, des spasmes rapides, puis lents. Ils prennent goût à l’affaire, ils recommencent, ça devient de plus en plus torride. Ah, ces psychanalystes, ce qu’ils sont pervers, ça alors. Pervers et retors.

Les explications viennent. Ce sont deux frères jumeaux. Un psychiatre, l’autre psychanalyste cog-comp. Nous avons droit à des longues explications sur la gémellité. Une rivalité cosmique a existé entre ces deux-là. À la fille de les démêler. Le psychanalyste, pervers retors, lui souffle à l’oreille qu’une autre fille a existé entre les deux frères. Remarquez : je n’écris pas « pervers narcissique », cette notion si usée qu’elle ne décrit plus grand-chose.

La fille enquête encore, elle fouille partout, elle découvre une morte vivante. Et si c’était elle-même qui se voyait dans l’autre. Se pourrait-il qu’il en soit ainsi ? Eh, oui. C’est l’histoire d’une mec. Ah, elle a aussi le fantasme de titiller son mec comme si c’était elle le mec et, lui, la fille, ça existe, il n’y a pas de quoi titiller un chat.

Tout se passe en silence ou en très douce musique, qui va bien d’ailleurs avec l’atmosphère feutrée des différents lieux, c’est feutré de partout dans ce film. Les toits de Paris, vous souvenez ? Fantômas, Clouzot, la Nouvelle Vague. Ici, non : ce sont les toits de Paris vus du Front de Seine. Rien que la Tour Eiffel, le Trocadéro, le Musée de l’Homme. Son très feutré. Sauf quand ça devient assourdissant. C’est que la fille devient folle. C’est un avertissement, nous aurions compris depuis la première fois. Des fois qu’elle délire ou risque de délirer. Comment cela va se terminer entre elle et ses deux mecs ? Et la morte vivante ?

Je ne dirai rien, pour ne pas gâcher encore plus un tel gâchis. Bref, rien n’existe. Sauf le dénigrement des professions. Psychiatre et psychanalystes, même saloperie. L’un est « famille », l’autre fait « raclure ». La plaque « Psychanalyste, thérapie cognitive et comportementale » mériterait un procès de l’Ordre des psychanalystes, un autre de l’Ordre des thérapeutes cognitivistes et encore un autre de l’Ordre des thérapeutes comportementalistes. Hélas, ça n’existe pas. Cela aurait pu exister, si les psychanalystes avaient fait confiance à Serge Leclaire, Jacques Sédat Danielle Lévy et quelques autres. Ce film, malheureusement existe. Un critique a écrit de lui : « Ce N’est pas Cronenberg qui veut. » En effet, ce grand directeur de cinéma nous a donné en 1988 un film superbe, Faux-Semblants (au Canada, Alter ego), dont L’Amant double semble être le calque. Le film de Cronenberg raconte aussi les aventures de deux frères jumeaux qui se partagent tout. Lisez donc Wikipédia. Ce n’est pas plus grave que tout le reste raconté dans le film. C’est juste bon à savoir. Des remakes, cela existe aussi. Est-ce que L’Amant double veut rajouter que les vraies-fausses jumelles ce sont les filles ?

Marine Vacht est très belle. Pas plus que beaucoup d’autres en ce printemps qui sent l’été. Toutes les filles sont belles ce temps-ci. Mais peut-être qu’avec Marine, le film Ozon veut juste nous le rappeler ? Il reste « Les Fauvettes (ex-Gaumont Gobelins) », très vraie belle salle dans Paris 13 : « Découvrez des films restaurés dans leur force d'origine au travers de cycles et de séances dans 5 salles… » Des fois  l’argent sert à des belles choses, à d’autres choses qu’à la production de films qui se moquent des psychiatres, des psychanalystes et des psychotiques, car vous aurez deviné, la fille semble assez frappée dans son genre. Elle fait froid au dos avec ses bêtises, qu’on prend parfois au sérieux. Car le film nous leurre pour des prunes. C’est son défaut majeur. Il nous leurre sur les psychiatres, sur les psychanalystes et sur les psychotiques. Serait-ce un film borderline qui ne s’avoue pas ? Il nous leurre sur l’histoire qu’il raconte. Il nous leurre en se prétendant du cinéma d’auteur. Ou alors c’est moi qui vieillis et qui trouve un certain cinéma fade à mon goût ? Tant pis. Pour un soir d’été, ça vaut la clim.

Luis Eduardo Prado de Oliveira

Comments (3)

à propos de "l'amant double" de François Ozon.
Excellent film. Je suis étonné que presque personne n’ait compris qu’il s’agissait d’un fantasme, d’un rêve ou d’un délire, peu importe, c’est pareil. Il ne s’agit pas de la réalité d’une histoire dans laquelle s’entrecroiseraient deux couples de jumeaux !
Il n’y a pas deux psy, l’un psychiatre et l’autre « psychanalyste et thérapeute comportemental ». L’auteur sait bien que ces trois intitulés sont incompatibles … comme sont incompatibles le statut de psychanalyste avec celui d’amant. Si Chloé croit lire « thérapie comportementale », c’est que, déjà, elle souhaite passer de la parole au comportement, exactement comme le lui dit Louis au moment de la passer à la casserole. Violemment. Louis est le double incorrect du gentil Paul, non dans la réalité, mais dans le fantasme de Chloé. Elle invente le double de son compagnon qui correspond à son propre double. Comme nous tous : nous avons un double très incorrect que nous refoulons et qui parfois fait retour dans les rêves, les fantasmes, les délires, et les douleurs corporelles. Comme, ici, dans cette douleur ventrale qui ne cède pas.
Un moment j’ai pensé que le rêve finissait après l’opération d’extraction du « jumeau parasite ». Interprétation première : elle sentait confusément qu’elle avait cette jumelle en elle et en a construit toutes ces histoires de jumeaux afin de la symboliser, puisqu’elle n’en avait nulle idée consciente. L’extraction met fin au rêve et à l’illusion. Seconde interprétation : meuh non ! C’est sa perception du « ça », comme chez tout le monde, qu’elle symbolise sous la forme des jumeaux d’abord, de l’enfant parasite ensuite. Le mot « monstre » est souvent proféré : c’est Louis le monstre, puis c’est la jumelle enkystée dans le ventre. C’est aussi le « psychanalyste-thérapeute cognitivo-comportemental », formule en effet tout à fait monstrueuse. C’est tout simplement le « ça », toujours monstrueux, chez tout le monde.
D’ailleurs, aussitôt le monstre enlevé, le double de Chloé fait retour de derrière le miroir, en brisant la glace. Elle n’en a pas fini avec lui, pas plus que chacun d’entre nous.
De même, la vieille voisine qui accepte le chat n’est rien d’autre qu’un double de sa mère. Elle n’a aucune réalité.
Ce qu’il y a de monstrueux aussi, c’est de coucher avec son analyste, ou son psychiatre, ou son thérapeute, car c’est un duplicata de l’inceste. Pourtant le désir est là ! C’est de ce désir dont il est question, dont le rêve présente la réalisation. Et comme toujours, il présente d’abord sous la forme du « c’est pas moi, c’est l’autre ». C’est donc le psychiatre, Paul, qui fait part de ses sentiments, en les enrobant dans le délicat emballage de l’éthique. À entendre : il n’est sûrement pas faux qu’il a des sentiments, mais du point de vue de Chloé, ses sentiments à lui ne font que refléter ses sentiments à elle.
J’ai lu sous la plume d’un critique qu’une « patiente » qui couche avec son thérapeute, ça arrive. Il ne va pas plus loin. Bien sûr que ça arrive ! C’est même arrivé à Lacan et ça n’a l’air de scandaliser personne, quand il s’agit de lui, tandis qu’on pousse des hauts cris dès qu’il s’agit de quelqu'un d’autre de moins célèbre. Mais ce qui arrive tout le temps, c’est le fantasme de ce rapport sexuel interdit, et chez les deux partenaires ! Or, s’il y a un truc sur lequel il ne faudrait jamais céder, c’est bien là dessus.
Et effectivement, elle se trouve aussitôt face à l’impasse : si le psychiatre devient son compagnon, elle n’a plus de thérapeute ! Elle doit donc se réinventer un autre officiant pour ses problèmes de ventre, réapparaissant fort opportunément peu après son installation en ménage. Cet autre sera évidemment le même : chez tout thérapeute, il y a un gentil et un méchant, comme dans les dessins animés de Walt Disney, comme il y a un moi et un ça en chacun de nous. Nous avons tous tendance à voir cela chez l’autre plutôt que chez nous. Ça refoule, mais ça fait retour du refoulé, impossible de l’éviter !
Si ça se trouve, tout cela n’est que le rêve, ou la succession des rêves d’une bourgeoise qui s’imagine que son mari est son thérapeute, celui qu’elle n’ose pas aller consulter. À moins qu’elle n’ait imaginé son vrai thérapeute à la place de son mari qui n’a rien à voir avec la psy. Peu importe dans quel sens ça marche : cela nous informe de toute façon sur le double qui sommeille en nous à la façon du Mr Hyde du Dr Jekyll.
Un indice allant dans le sens de cette interprétation onirique. Cela se passe dans le 16ème arrondissement, les appartements sont luxueux et décorés avec goût. Celui de Louis, le méchant, m’a semblé encore plus luxueux. Logique : si le rêve est la réalisation d’un désir, il peut être celui de n’importe qui de n’importe quelle classe sociale qui s’imagine en bourgeoise de la haute. J’ai même lu quelqu'un qui, en plus de se gausser de cet environnement luxueux, se scandalisait des prix pratiqués par le thérapeute. Il n’a même pas remarqué que, si elle paye 75 € à Paul, plus tard, elle paie 150€ à Louis. Normal : elle paie le double ! Ah ah ! On est dans le symbole, pas dans la saga sociale, ni dans un catalogue des tarifs des psychanalystes.
Deux petits indices supplémentaires. D’abord, Louis s’appelle Delord. Louis d’or, quoi, c’est le prix du fantasme ! Ensuite les voitures sont des Skoda. Elles en jettent, mais ce n’est que la marque low cost de Volkswagen. Les Skodas sont à VW ce que Dacia est à Renault. Autrement dit : attention au semblant ! Tout ce luxe apparent ne pourrait bien n’être qu’illusion.
Alors revenons sur le début du film : Chloé se fait couper les cheveux à la garçonne. Délicate allusion à la castration sous forme directe (ça coupe) et inverse (elle se fait garçon). Après cela, elle nous regarde par en dessous, nous les spectateurs. Façon de nous dire : attention, tout ce que vous allez voir, c’est mon point de vue. C’est dans mon œil que ça se passe. Et ensuite ? Gros plan sur son sexe bardé du métal d’un speculum, chez le gynéco. La fente palpébrale, ornée d’une larme, se substitue bientôt à la fente vaginale, comme dans « L’histoire de l’œil » de Bataille. Interprétation : ce qui manque au sexe féminin, (le phallus) c’est l’œil qui va le lui fournir, c'est-à-dire ce que voit l’œil, le phallus où il n’est pas et, plus largement, le fantasme. Ce retour sur le début nous donne l’ultime interprétation de la fin : cette extraction d’une soi disant jumelle symbolise la castration qui a fait d’elle une femme. Et, par deuxième retour, tous les doubles fantasmatiques ne sont donc rien d’autre que des phallus en ballade.
Au fait, le fantasme de "naissance " de la jumelle parasite se fait par déchirement du ventre, comme dans la série "Alien": c'est visiblement un clin d'œil du réalisateur, en confirmation de ce que je dis depuis longtemps de cette série.
Encore un détail rigolo qui me revient après coup : le chat ayant disparu (entendre : le phallus), Louis offre à Chloé une broche d'or à tête de chat. Transparent : il lui rend le phallus, puisqu'il est censé l'avoir. À la fin, on constate que la broche se retrouve sur la robe de la mère de Chloé. Autrement dit, il lui avait offert la chatte de sa mère (le phallus de sa mère), indiquant ce qu'il y a de reproduction de l'inceste dans la transgression professionnelle. Et oui ! Puisque Chloé avait confié le chat à la vieille voisine (substitut maternel), d’où il s’était enfui. Par contre elle garde amoureusement le chat empaillé de sa fille : ça c’est le phallus féminin, resté chez maman et qu’il faut aller récupérer chez elle (à défaut, chez un homme). Un semblant de chat, un semblant de phallus.
En effet, Paul et Chloé achètent d'un commun accord une ceinture-phallus afin qu'elle puisse l'enculer, réalisation du désir illustré en ouverture, celui de se faire garçon. Fantasme assez commun mais dur à s'avouer, ce pourquoi il reste la plupart du temps inconscient. Explicitement, c'est mis en rapport avec la rivalité mortelle des jumeaux : lequel est le plus fort, lequel encule l'autre ? ce n'est qu'une voile mis sur la rivalité féminine la plus universelle, la compétition avec les garçons, la revanche, la vengeance, le phallus récupéré, l’inversion des rôles.
J’ajoute que le film est ponctué de nombreux réveils de Chloé. Si on n'avait pas compris que tout le film est un rêve, cette ponctuation est là pour nous le rappeler. Elle croit se réveiller, mais non, puisqu'il faut qu'elle se réveille encore une fois, et encore une fois, et encore une fois...
Voilà ce qui fait de ce film une œuvre riche (sic) et attachante. Il est étonnant que des gens qui font profession d’explorer la psyché ne s’en soient pas aperçu.

Luis Eduardo Prado de Oliveira a laissé un indice :
...sa rature sur « C'est un psy de luxe »
on pourrait y croire autre chose ;
...serait-on dans un ratage de la réalité ? : j'y retiens des clés.

J’ai été voir les extraits de ce film « blanc cramé » sur le web : du trouble pour un thriller d'humains génération bobo. Baiser en truculent.
Pourrait-on faire l’hypothèse vulgaire d’une génération « jeune » de « psy » qui recruterait dans son giron ; mais quel giron ; hum.

Avec l’indice « rature » repéré au début du premier commentaire, sur le net donc, j'ai tapé « ratage de la réalité / psychanalyse » je suis tombée sur « l'utilitarisme de l'inconscient en psychanalyse » / Serge Lesourd - La clinique lacanienne -
Un extrait (...) :
« C’est le psychanalyste qui doit faire cette hypothèse de l’existence d’un sujet de l’inconscient, les patients, eux, n’en sont pas encore là. Non parce qu’ils sont plus « bêtes » que les patients d’il y a, mettons, trente ans, mais parce que le discours social actuel, celui du libéralisme, vient faire opposition à l’inconscient, vient nier l’existence d’un inconscient.
Le discours actuel de la demande de soin n’est qu’une version du discours social dominant qui vise à une complétude, à une réalisation pleine du « bonheur » : le discours libéral. Un exemple clinique récent illustre bien ces nouvelles formes de demandes.(…)

C’est juste un extrait. L’ouvrage est collectif, La clinique lacanienne, Des perversions.
...enfin bon pour 250 pages, difficile d'imaginer un teaser...

On peut à peine effleurer ce film. En parler est difficile surtout à quelqu’un qui ne l’aurait pas vu. Je n’étais pas tentée d’aller voir ce film. Je respecte trop la psychanalyse pour qu’on la dévoye, qu’on nous montre comme des charlatans. Encore un film qui devait être truffé de déformations surtout si on mélange les « genres» psy .
Surprise ! Dès les premières minutes on est sous le charme de ce psy. Un psy, Paul Meyer, avec une réelle éthique. Il intervient si peu, de fait, il l’écoute vraiment, ce qui va de « pair ». Tellement éthique qu'il observe une des règles d’abstinence soit celle de ne pas coucher avec sa patiente soit d’interrompre la cure. Il choisira la 2e règle. Ce qui n’est pas sans conséquence. Ce « psychiatre » seule inscription claire que l’on verra sur sa plaque dans des contours flous a une véritable attitude analytique ce qui donne le ton au film. On est déjà dans le transfert et le transfert c’est de l’amour !
Alors une fois campé dans son fauteuil, on ne loupe pas une seule image. Les images sont crues, franches, on ne veut rien perdre : le look androgyne de Chloé, la lèvre supérieure recourbée mi ouverte, mi fermée, on écoute ses silences, ses lapsus, on observe aussi les captivantes spirales d'escalier qui n’en finissent pas de monter, le regard de chat obstinant, les allées et venues au Palais de Tokyo où Chloé a trouvé un poste de « surveillante ».
Alors que, pour elle, tout semble aller pour le mieux, , tout bascule lorsqu'elle aperçoit de loin un homme qu’elle prend pour Paul. Paul dément et semble taire un secret. C'est alors qu'à l’endroit où elle a vu cet homme elle découvre une plaque et celle-ci Ozon nous la montre à deux reprises et de façon très ostentatoire. « Psychanalyste – thérapies comportementales et cognitives » Quid ?
Mais à partir de là le moteur du film va se déployer sous toutes ses formes du double, du miroir, des fenêtres symboles du fantasme où des pluies diluviennes mouillent l’écran.
D’abord l’amour pour l’un, et le désir pour l’autre. Cette brute qui la baise, double de celui si doux qu'elle aime. La haine, doublure de l’amour, l’hétérosexualité qui se double d’homosexualité, les sexes doublés par des faux sexes (le gode) mais aussi le chat vivant, double du chat empaillé, la bouche double du vagin, le miroir double de l’image ou l’inverse et à l’infini… et une autre histoire vient doubler l'histoire, son double à elle, ce féminin mortifié, pétrifié, martyrisé.
Mais la vérité se fait jour sous sa forme la plus hideuse, la plus sanglante, la plus originelle voire originaire. Quand le visible se fond dans l’invisible, quand l’indicible devient dicible.
C’est à ce moment là que l’inscription « fautive, faussaire, fausse, factice » de l’inscription de la 2e plaque du psy nous renvoie à son propre double : celui du titre « l’amant double » car de double, il n’y a que le Moi qui se brise dans son propre miroir.
Et c’est dans « un effet d’après coup » que se situe l’interprétation dans la dernière scène du film où la mère martèle « tu es ma fille unique ».
MGD

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