Lost in therapy

Clotilde Leguil est psychanalyste, membre de l'École de la Cause Freudienne, agrégée de philosophie et maître de conférences au département de psychanalyse de l'université Paris 8 - Saint-Denis.

À partir d'une réflexion sur la construction d'une série télévisée traitant de la psychanalyse, cet ouvrage interroge ce que la série « In Treatment » (en analyse "), nous apprend sur la cure analytique nord-américaine : psychanalyse de l’ordinaire, approche des souffrances de l’homme normal, mais aussi dépréciation profonde de la valeur de la parole et oubli de la dimension de l’inconscient.

Loin d’être un conquistador partant à la découverte des terres de l’inconscient, le psychanalyste est devenu un être vulnérable, un anti-héros, bouc émissaire de la civilisation, passant son existence à supporter les demandes excentriques de ses patients, les reproches de sa famille, les leçons de morale de son superviseur…

Cet ouvrage déchiffre la signification de ce désastre : à travers les reproches que Paul Weston (nom porté par le psychanalyste dans la série) se fait à lui-même, du fait de son impuissance à aider ceux qu'il écoute, c'est le procès de la psychothérapie qui est fait dans In Treatment. Ce type de cure conduit ses patients et lui-même à se perdre dans les effets désastreux d'une psychanalyse qui ne se fonde pas sur la fonction de la parole et du langage mais seulement sur le « care » et le soutien.

À travers la pratique de Paul Weston, psychanalyste désabusé, peut-on projeter ce que serait devenue la psychanalyse en France sans Jacques Lacan comme le soutient Clotilde Leguil ? En tout cas, les échecs successifs dans la vie de Paul Weston évoqués par la série « In Treatment » posent la question de ce qu'est devenue la psychanalyse américaine au XXIe siècle. Banale, accessible à n’importe quel individu conformément aux valeurs de la chaîne HBO qui distribue la série ?

L’argumentaire critique du livre de Clotilde Leguil s’appuie d’abord sur le fait que la dimension de l’inconscient est évoquée dans cette série, mais que les exemples fournis ne valident pas. À partir de paroles principalement axées sur la réalité, Paul Weston cherche à améliorer la communication entre le patient et son entourage sans y parvenir. Le transfert est le support principal de ses thérapies. Les patient.e.s projettent leur agressivité, leur haine et leur amour sur le thérapeute investi de manière quasi obsessionnelle, en place de ce qui devrait être un désir de savoir.

Paul Weston dit détester sa vie brisée dont chaque jour est une souffrance. En effet, l’absence de prise de conscience du rapport nécessairement inégalitaire entre lui thérapeute et ses analysé.e.s et son impossibilité à devenir un modèle le rend vulnérable et sujet à toutes les opprobres. Certes, la réciprocité est un leurre mais elle reste néanmoins une « tension vers » comme la recherche de vérité.

J'ai apprécié les références cinématographiques spécifiques à la psychanalyse glorieuse du XXe siècle ? (Inception, Mulholand drive, Pas de printemps pour Marnie, une femme disparaît, psychose, a dangerous method, Annie Hall, Manhattan, Homeland, Voyage au bout de l’enfer, la ligne rouge, Full metal jacket, somewhere, Lost in Translation) Ces films, tels des rêves, permettent métaphoriquement d'entrer dans le rêve d'un. e autre et ainsi d'accéder à son inconscient. J'y mettrai au XXIe siècle, des références culturelles artistiques muséales comme les déchirures de tissus vues lors de l'exposition temporaire de Simon Hantaï cet été 2 013 au musée G. Pompidou.

J’ai moins apprécié les propos quelquefois condescendants de Clotilde Leguil sur ce qu’elle nomme la « version psychologisante de la cure… nord-américaine… egopsychology… intimicy-reciprocity » (pp. 64-65-66) ; psychanalyse relationnelle (Mitchell), « psychothérapie comme adversaire de la psychanalyse (p. 89) ne rien savoir du manque et de la castration (p. 92) etc. » On n’est jamais certain de détenir « la » vérité.