Un dialogue
Sigmund Freud et Romain Rolland
Henri Vermorel est ex-psychiatre des hôpitaux, psychanalyste et membre honoraire de la Société psychanalytique de Paris.

Sigmund Freud et Romain Rolland ont entretenu une corres­pondance de 1923 à 1936. Au fil d'échanges sobres et intenses, faits d'estime et d'admiration, ils abordent des thèmes tels que la nature de la croyance et l'origine du sentiment religieux - Freud se considérait comme un «juif athée» en face de son ami, un chrétien sans Église -, mais aussi le « malaise dans la civilisa­tion » qui les préoccupait l'un et l'autre, en raison des massacres de la Première Guerre mondiale et de la montée des totalita­rismes, lourde de menaces.

 

Si l'amitié circule entre ces deux grands esprits de l'huma­nisme européen, c'est que des affinités de fond les rapprochent, comme leur lien commun avec Goethe et les romantiques allemands. Et plus encore, un deuil qui les a affectés l'un et l'autre dans leur enfance.

 

Freud admirait en Rolland l'écrivain engagé qui défendait les valeurs de la civilisation, dénonçait l'absurdité de la guerre de 1914-1918, et s'opposait à Hitler. Mais sans doute était-il plus lucide sur les aveuglements idéologiques de son ami qui, dans sa période de soutien à l'URSS, ignorera le totalitarisme stalinien et s'éloignera momentanément, confirmant de la sorte les ambiva­lences et les impasses de ce passionnant dialogue qui éclaire les deux œuvres.