Née à Montréal, José Morel Cinq-Mars vit en France depuis 1976. Psychologue clinicienne formée à la psychanalyse, elle travaille pour les services de PMI de Seine-Saint-Denis. Elle fait partie des membres fondateurs de l'A.NA.PSY.p.e. et écrit régulièrement des articles pour des revues de psychanalyse et de petite enfance.

Dans ce docu-fiction où tout est faux mais tout est vrai, l'auteur, psychologue, raconte l'ordinaire de son travail, tel qu'elle l'exerce au quotidien dans ces zones dites « sensibles ». Elle évoque ainsi les différentes situations auxquelles elle est confrontée à la consultation pluriprofessionnelle pour femmes enceintes et petits enfants, à laquelle elle est attaché, ou au domicile de familles dont un bébé est décédé subitement.

Dans son récit où se côtoient des gens de tous horizons, elle parle de la ville, de la banlieue, de l'exil, de son métier, de son usage non orthodoxe de la psychanalyse de son rapport au territoire, à la formation, à son identité professionnelle... Une « clinique incarnée » au sein de la banlieue dans tous ses états.
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MOREL CINQ-MARS, J. (2010). Psy de banlieue. Toulouse : Erès.

Dans notre domaine d’intérêt, d’étude et de pratique, il existe bien des auteurs et bien des écrits considérés comme essentiels. Et en tant qu’étudiant en psychologie clinique portant un intérêt tout particulier à la psychanalyse, il me semble même parfois qu’il en existe beaucoup plus qu’il n’en faut pour alimenter une vie entière de lecture…
Pourtant, plus rares me semblent être les écrits qui, loin de toute proposition théorique relative à telle ou telle pratique ou à telle ou telle posture clinique, présentent cette pratique singulière, cette création permanente qui est l’essence même du travail de « psy » dans sa perspective psychodynamique, devenant par cela, à mes yeux d’étudiant, des écrits tout aussi essentiels, voire même, des écrits nécessaires.
Et il me semble que le livre que nous propose aujourd’hui José Morel Cinq-Mars fait partie de ces écrits nécessaires.

Psy de Banlieue est un livre nécessaire car utile. Surtout pour un futur professionnel comme moi, à la pratique encore balbutiante.
En nous invitant à entrer dans les pensées les plus intimes de son héroïne, Milie-Rose Montembeau, psychologue en Seine-Saint-Denis, José Morel Cinq-Mars ne nous propose pas un énième code de conduite du « parfait bon petit psy », sorte de mélange sans couleur du code de déontologie des psychologues et de cette image d’Epinal du clinicien « neutre et bienveillant ».
Non. Elle nous propose plutôt, à travers ce « docu-fiction où tout est faux mais tout est vrai », un recueil de réflexions personnelles sur cette pratique telle que nous la rencontrons bien plus souvent sur le terrain, que ce soit en tant que professionnels ou en tant que stagiaires.
Cette pratique tellement éloignée de cette position clinique que je qualifierais « d’utopie universitaire », parfois plus pertinente à produire des études théoriques que des effets thérapeutiques…
Cette pratique à laquelle rien, ni l’université, ni le divan, ne nous prépare, avec ce sentiment fort de « lâchage » que cette rencontre provoque, et toutes les questions qu’elle implique.
Cette pratique qui nous oblige, comme nous le rappelle José Morel Cinq-Mars en reprenant les mots d’Hannah Baumgarten, à nous réinventer, à nous magnifier, pour être nous aussi « le genre de psy pour les gens qui n’iront jamais en voir un ».
Et je ne peux résister à l’envie de vous faire partager ces quelques lignes, qui ont été le point de départ de ma réflexion pour cette contribution clinique, et qui illustrent parfaitement le style, l’humour et la force des mots de José Morel Cinq-Mars dans cet ouvrage :
« Faut dire que dans ma formation, rien ne m’avait préparée à rencontrer Janine Verchoux. On m’aurait plutôt appris à m’écarter d’elle. Car faut pas croire, le savoir avec un grand S, celui qui s’enseigne dans les universités, a le nez délicat et la géographie restreinte. Il choisit ses patients, il se repaît de beaux cas. Un sachant sachant savoir, ça ne fricote pas n’importe où, avec n’importe qui, surtout pas chez les petites gens, ces invisibles, même pas assez exotiques ou assez monstrueux pour faire une manchette de journaux.
Pour les enseignants de mes années de fac, les Verchoux, Janine aussi bien que Roger, auraient été victimes d’un délit de sale diagnostic. Un faux-pas, une chute dans la mauvaise case, et ça suffit pour disparaître. Janine et son mari font partie de ceux dont on m’avait enseigné que leurs maux sont « psychosomatiques » et leur pensée « opératoire », verdict implacable qui transforme un sujet en individu : pas de sensibilité au symbolique chez eux, pas de vie imaginaire non plus, et donc pas de travail psychique possible. Du fonctionnel, du pratique, du concret : comment voudriez-vous qu’ils élaborent quoi que ce soit de leur malheur ? Ces gens-là ne parlent pas, ils font du bruit avec leur bouche et ronflent la nuit sur des rêves sans image.
J’exagère ? Si peu ! Oui je sais, d’habitude on oublie avoir entendu ces choses là. »

Car le caractère nécessaire de ce livre tient aussi finalement à cette formidable réponse que propose José Morel Cinq-Mars à tous les détracteurs actuels de la psychanalyse, et plus largement de la psychologie.
En effet, quelle meilleure et plus belle réponse aux stéréotypes largement véhiculés sur notre discipline, qu’une réponse vivante, issue du terrain lui-même, issue d’une pratique mise en place et vécue au quotidien dans un environnement très éloigné de celui de la bourgeoisie parisienne, « élite » qui semble souvent, sous les plumes de nos détracteurs, jouir d’une forme d’exclusivité à advenir comme sujet…
A travers ce livre, José Morel Cinq-Mars propose, peut-être sans le vouloir, avec simplicité et avec légèreté, une réponse à toutes ces polémiques, qui si elles nous agitent et nous remettent en cause, ont aussi le mérite de nous faire nous questionner, nous, psychologues, psychanalystes, psychiatres, étudiants, sur notre place, actuelle ou à venir.

Psy de Banlieue est un livre essentiel. Un livre nécessaire. Une belle rencontre. Une rencontre essentielle et nécessaire à un tournant très important de ma vie, où se pose cette question incontournable : quel genre de psychologue ai-je moi-même envie de devenir ?
Et je terminerai simplement ces quelques lignes en citant cette phrase de Johann Wolfgang Von Goethe :
« Nos désirs sont les pressentiments des possibilités qui sont en nous. »

Florent Le Roux
Etudiant en psychologie
Groupe de lecture d’Angers