A propos du séminaire Les fondements de la psychanalyse ou Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse

Rodrigo Toscano
Gabriela Strada
A propos du séminaire Les fondements de la psychanalyse ou Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. Savoir et savoir supposé.



A. Introduction. Lacan exprime sans ambiguïté que dans ce séminaire des Fondements il va s'agir de la formation des analystes, de leur praxis. Dans la séance du 10 juin qui va nous occuper, il commence par le rappeler : “ Le but de mon enseignement a été et reste de former des analystes ”.

Martèle-t-il cette affirmation pour mieux viser et faire la distinction entre les différents assistants qui composent son public à ce moment là ? Intéressés peut-être à la psychanalyse mais sans aucune praxis ? Peut-être, mais il veut certainement, mettre les analystes qu'il forme sous pression. Puisque depuis Sainte-Anne, il essaye de les situer à une place particulière : être dignes de son enseignement, le développer, voire le contester. Car il semble paradoxal de constater qu'il affirme cela, au moment même où il doit bien savoir que son public s'est élargi précisément aux non praticiens, et qu'il a quitté Sainte-Anne définitivement... Quoi qu'il en soit, si pour Lacan, dans cette idée de formation, il peut s'agir de tenir compte de ce changement de public, la visée, elle, reste la même.

Nous affirmons qu'il y a en jeu une dimension du savoir dans ce séminaire, et cela nous pouvons le repérer déjà dans l'avancée de Lacan concernant le Sujet supposé Savoir (SsS). Dans cette avancée il y a un passage depuis le Sujet de l'inconscient au SsS grâce à l'appel qu'il fait à la démarche cartésienne. Mais ce savoir commence aussi à se manifester sous deux modalités à venir chez lui : tant en intension qu'en extension (Proposition sur le psychanalyste de l'école d'octobre 67).

Maintenant, et pour venir à notre propos, il s'agit de prendre seulement un passage extrêmement compliqué du séminaire Les fondements et qui met en jeu ce savoir auquel nous faisons référence. -- Plus loin nous verrons qu'il est intriqué à un problème de traduction.

Voyons cela par le détail en commençant par quelques remarques générales :

Lacan se trouve là : a) en train d'introduire, avec une certaine difficulté et cela depuis le Séminaire Le transfert dans sa disparité subjective, sa prétendue situation et ses excursions techniques (14 décembre 1960, où il parle de “ savoir supposé ”), quelque chose qui deviendra central par la suite dans l'élaboration du transfert, le SsS. b) Cette invention semble lui poser des problèmes qu'il ne va arrêter, d'une façon plus ou moins définitive, qu'avec La Proposition. Avec le SsS, nous sommes dans une fourchette allant de l'année 64 à l'année 67. Parce que, à notre avis et, comme il l'a déjà fait dans le Séminaire sur l'angoisse, il va là et apparemment non sans réticences, au delà de Freud et, une fois de plus, en ce qui concerne la fin de l'analyse ; c) L'un de ces problèmes est le caractère relativement ambigu de cette “ formation ”, de ce SsS. Appartient-elle à l'analyste, à l'analysant, à tous les deux… et comment ? d) Le fait certain est qu'il s'agit d'une formation tierce, située entre l'analyste et l'analysant et ayant rapport à cette figure idéale qui, par exemple, pour Descartes, sait.

Mais on n'est pas encore à l'année de La Proposition…, et Lacan peine à situer cette place du SsS dans la relation au savoir qui s'élabore dans l'analyse. Acceptons que pour Lacan, et prenons cela comme un fait, Freud savait. Maintenant, du côté des patients qui venaient voir Freud, il est relativement facile d'imaginer qu'eux aussi lui attribuaient un savoir sur leurs propres problèmes et que Freud faisait de cette attribution le moteur de la cure. Mais est-ce qu'il s'agit là, dans ces exemples, d'un seul et unique "savoir", ou bien de deux modalités différentes d'un même savoir ? Je penche pour la deuxième possibilité. *

Il me semble que tous ces problèmes complexes sont à l'œuvre dans le passage que voici :

B. Transcription. Le 10 juin 64. : a)Lacan revient donc sur le SsS pour dire : s'il y a SsS il y a transfert. b)l'ordre des psychanalystes rend possible de s'adresser à quelqu'un pour représenter ce SsS, sachant qu'aucun psychanalyste ne peut représenter un savoir absolu ; c)il va donner ensuite l'exemple par excellence de la représentation de ce SsS, quelqu'un qui a même vécu, Freud. Je cite Lacan :

“ C'est pourquoi, en un sens, on peut dire que celui-là à qui l'on peut s'adresser, il ne saurait y en avoir, s'il n'y en a qu'un, qu'un seul. [ ? Nous enlevons le point de la sténo, mettons une virgule à la place et continuons la phrase], cet un seul fut même un temps vivant, c'était Freud et le fait que Freud, concernant ce qu'il en est de l'inconscient, était légitimement le sujet qu'on pouvait supposer savoir spécifie, met à part tout ce qu'il en fut de la relation analytique quand elle a été engagée par ses patients, avec lui-même” (Notre transc. p. 15 ; sténo, p. 6-7).

Ici, la sténo soulève un problème de ponctuation que nous avons résolu en ne coupant pas la phrase lorsque elle s'arrête à “ un seul ”. Il ne s'agit pas à notre avis, d'un seul et un seul qui savait, soit-il Freud. Nous pensons que Freud, effectivement, savait. Mais là, il ne s'agit point de calculer combien il savait ou combien il ne savait pas. Il s'agit, simplement de faire valoir ce qui s'est passé historiquement parlant : pendant longtemps, Freud a été seul dans sa pratique. Ainsi, il était le seul à pouvoir supporter ou incarner, effectivement, toute figure de SsS (psychanalyse en intension) ; et non pas le seul à savoir quelque chose sur la maladie mentale. Freud, était donc le seul à être repéré en tant que SsS. Dans l'élaboration de ce savoir particulier, la psychanalyse naissante, il s'adressait aux collègues, de ce fait il n'était plus seul (extension).

Dans la suite de la citation, modifiée dans notre transcription, on trouve plus. Lacan dit :

“A ceci <j'ajoute> qu'il [Freud] ne fut pas seulement le SsS, et qu'il nous a donné <quelque chose>, en des termes que l'on peut dire indestructibles, pour autant que depuis qu'ils furent émis, ils supportent une interrogation, qui jusqu'à présent n'a jamais été épuisée. Il n'a pu se faire de progrès [… ]” (p. 15-16 ; sténo p. 7), etc.

Il nous a semblé préférable de coller le plus possible à la sténotypie, a)pour essayer de faire resurgir le lien, l'articulation entre le sujet cartésien et l'inconscient (“ que celui-là à qui l'on peut s'adresser, il ne saurait y en avoir [en tant que sujet d'un savoir absolu]. S'il n'y en a qu'un, qu'un seul, cet un seul fut même un temps vivant… ”), et b)de ne rien introduire pour la première phrase et d'interpoler un vague “ quelque chose ” à la suite de “ il (Freud) nous a donné ”. Quoi ? : quelque chose. La sténo semble sans ambiguïté sur ce point (en parlant des “ termes ”, “ progrès ”).

La version Seuil (différente en cela de la sténo et des versions Michaud et Lemoine), à la suite de “ il [Freud] ne fut pas seulement le SsS ” ajoute : “ Il savait ”, et rajoute ensuite dans sa lancée “ et il nous a donné ce savoir en des termes indestructibles… ”. Elle affirme et réaffirme ce savoir. Si nous comparons les versions, nous croyons qu'opter pour introduire “ Il savait ” et “ ce savoir ”, même s'ils semblent très pertinents à une première lecture, à mieux y réfléchir, peut compromettre la visée générale, et ce que Lacan élaborait déjà en ce moment sur une probable fin d'analyse.

Puisqu'il ne s'agit pas que d'un savoir abstrait, théorique et encore moins absolu dans ce que Freud nous a donné. Et Lacan le laisse voir en parlant et en comparant la pratique de Freud et l'investiture de SsS dont il était l'objet de la part de ses patients (intension), à ces termes indestructibles qu'il nous a laissés (extension). Il semble les différencier clairement. En plus de ces termes donc, il y a aussi chez Freud autre chose, en rapport à cette pratique, à savoir : la technique qu'il conseille à ses proches, les règles de l'analyse : dès la libre association jusqu'au fait de se faire analyser, le contrôle… Ainsi, on peut dire avec Lacan que Freud, et pendant tout son “ magnifique isolement ”, supportait tout seul le SsS que ses patients lui imposaient dans la cure et que cela n'a commencé à changer que par la suite.

Conclusion : a)puisque le transfert existe et se manifeste pratiquement, il y a un SsS qui le soutient, b)cette fonction est supportable par quelqu'un, et c)du fait très précisément qu'il n'y a pas et qu'il ne peut pas y avoir du savoir absolu supportable par quelqu'un, il y a seulement du SsS dans la cure. Et bien plus, soutenu par quelqu'un : “ qu'il soit analyste ou pas ” dira Lacan deux paragraphes plus loin. d) mais dans le passage en question, Lacan distingue assez précisément ces deux modalités de savoir à l'œuvre. Freud en tant que SsS était, nous l'avons vu “ légitimement le sujet qu'on pouvait supposer savoir" (p. 15 ; sténo, p. 6-7, première partie de la citation). Et qu'il ne fut "pas seulement le SsS, il nous a donné" des termes... Autrement dit il s'agit là d'une distinction subtile mais radicale entre un Freud thérapeute et un Freud théoricien ayant une modalité de savoir selon le cas. De là notre prise de position de tout à l'heure, pour dire qu'il s'agissait de deux modalités d'un même savoir. * L'analyste doit être et praticien et théoricien… de sa pratique.

Et bien sûr qu'il y a derrière tout cela un savoir, mais un savoir double à l'œuvre et toujours supposé dans la pratique de la part de l'analysant sur l'analyste. Un savoir que, en extension, Freud même modifie au fur et à mesure de ses avancées, tout au long de sa vie. Alors, ce qu'il y a d'“ indestructible ” dans son œuvre ce n'est pas tant ce savoir, puisqu'il est en élaboration ou réfondation permanente. Ce sont très précisément les termes qu'il introduit et qui rendent compte de ce savoir changeant, ce sont eux qui deviennent “ indestructibles ”. Combien de fois des auteurs, à commencer par Freud même, ont critiqué la frappe d'un terme comme par exemple “ inconscient ” et celui-ci continue néanmoins à rendre service. Donc, ce savoir autour du terme ne peut pas être “ indestructible ”, ce sont ces termes mêmes qui le sont; car, comme le dit Lacan, “ depuis qu'ils furent émis supportent une interrogation qui jusqu'à présent n'a jamais été épuisée…A chaque fois qu'un seul de ces termes fut négligé ” il y a eu déviation… En tenir compte empêche, pratiquement parlant, toute idée d'un savoir absolu quelconque.

Revenons à la transcription. Comme la transcription du Seuil introduit cette phrase : “ Freud savait ”, il lui faut éliminer, deux paragraphes plus loin, le fait que Lacan revient sur l'exemple de Freud et réaffirme la place de SsS de celui-ci dans la cure : “ De ce SsS, qu'il soit Freud ou [quelqu'un] réduit à ce terme, à cette fonction, peu peuvent se sentir pleinement investis […] ” (p. 16). Ce qui donne chez Seuil : “ De ce SsS, peu peuvent se sentir pleinement investis ” (p. 211); Freud semble donc avoir fait ses trois petits tours…

Mais peut-être y a-t-il une autre raison sur pourquoi il faille que l'analyste soit dans son savoir supposé, point central dans cette discussion, et bien plus décisif. Dans la même séance (p. 21 ; sténo, p. 15) Lacan rappelle que si l'analyste a affaire au désir c'est du fait qu'il est lui-même désirant et qu'il est attendu sur ce point où son désir peut se manifester. Car, c'est “ en tant que l'analyste est supposé savoir qu'il est supposé aussi (RT), également, nécessité ”. Qu'il soit “ nécessité ” ou “ nécessiter ”, une variante, il est lui-même en manque, en clair : désirant. Armé de cette supposition, et seulement ainsi, rajoute Lacan, l'analysant peut partir à la rencontre de son propre désir inconscient aidé par ce sujet à qui il suppose un savoir et donc, un désir. Il s'agit là de deux suppositions dépendantes l'une de l'autre mais qui se rejoignent de manière pratique : la première (d'un savoir) se fondant sur la seconde (d'un désir).

A la séance suivante, le 17 juin 1964 (notre trans. + sténo, p. 23) Lacan dira, comme pour renforcer cette idée, que si le savoir du SsS est absolu, il l'est très précisément “ de n'être nul savoir mais ce point d'attache qui lie son désir même à la résolution de ce qu'il s'agit de révéler… le sujet est supposé Savoir de seulement être sujet du désir ”, 2ème position. Le savoir ne peut être nullement absolu en ce qui concerne le savoir, mais il faut qu'il le soit en ce qui concerne le désir. –Ce que Lacan met en avant dans Le Banquet. Conclusion : tout savoir se règle sur le désir. Mais il faut que pour que le désir soit révélé, il soit appréhendé, dans une dimension de savoir. –Déjà, dans Subversion du sujet…, par exemple, Lacan parle de l'absoluité du désir et pas de savoir absolu (p. 814).

En tant qu'analyste, c'est-à-dire seulement SsS, Freud savait-il ou pas ou seulement un peu ? Il me semble qu'il a laissé le constat dans chacun de ses cas cliniques qu'il ignorait beaucoup de choses et qu'il ne se vantait surtout pas de tout savoir d'avance et d'une fois pour toutes… contrairement à ce qui semble ressortir en lisant la version du Seuil, comme s'il s'agisait chez Freud d'une dimension de savoir réel à l'oeuvre. Au contraire, chez Freud, chaque cas témoigne d'un savoir en élaboration. Bien plus : pourquoi face à chaque cas nouveau faire comme si l'on ignorait tout des cas précédents ? (Lacan, Proposition, p. 20)… Réponse : pour laisser agir et réagir le Sujet du Savoir supposé.

Commentaire. Transcrire pour nous, de cette façon là, a signifié résoudre une difficulté du texte à notre façon car elle faisait appel à une interprétation. Cette interprétation et la manière de la résoudre reflètent notre position de lecteur. Cette position diffère, au jour d'aujourd'hui, de celle de Lacan au moment de faire ce séminaire. Pendant qu'il était pris dans l'élaboration du SsS, il lui fallait trouver des solutions et il en a apporté. Car là, avec Lacan, en 1964, nous sommes au moment de la naissance de ce sujet si particulier, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.

C. Traduction 1. Repère. Nous avons établi quelques autres séances de ce même séminaire. Pour nous cette transcription avait un objectif double : transcrire et après avoir transcrit, traduire en espagnol. Parfois, la traduction avançait au même rythme que la transcription. Pour nous la traduction faisait partie de l'idée même de transcription. Au moment de transcrire, surgissait, souvent, l'idée : “ ça donne quoi en espagnol? ” A contrario, toute traduction qui butait sur une difficulté, nous poussait à revisiter la transcription. Dans tous ces cas de difficulté de traduire, pris un à un, nous avons confirmé qu'il y avait un problème de transcription négligé ou passé inaperçu qui faisait obstacle à la traduction.

A notre connaissance, de cette transcription, dans la version Seuil, il y a deux traductions à l'espagnol. La première, éditée l'année 1977 en Espagne par Barral est traduite par Francisco Monge. La deuxième, l'“ officielle ”, de l'année 1987, est à la charge de Mauri-Sucre-Rabinovich, (Paidos, Argentine). Dernière version, lit-on, celle qui a été traduite à partir de Les quatre principes fondamentaux de la psychanalyse (sic).

Il nous semble, à partir de notre expérience, que cette option sur cette forme de savoir dans l'édition du Seuil comme nous avons vu se reflète dans la traduction. Elle peut permettre l'écart entre la traduction “ ordinaire ” du SsS comme Sujet supposé Savoir, y compris dans la première édition (Monge), pour donner ensuite, Sujeto supuesto al saber, Sujet supposé au savoir dans la deuxième. De quoi s'agit-il ? Quel avantage tire-t-on de traduire ainsi ce terme ? Mystère. Si, pourtant, dans l'édition en espagnol chez Paidos, il y a des notes en bas de page pour ce séminaire, aucune ne viendra justifier le pourquoi de cette traduction assez déroutante : Ss au S. En revanche, nous croyons que traduire ainsi peut introduire une confusion. Confusion, puisque on ne tient pas compte du “ découpage ” lacanien selon la problématique qu'il est en train d'aborder en ce moment qui va de 64 à 67.

Il est vrai que Lacan a parlé du terme Ss au S dans le séminaire Les non dupes…, le 19 mai 1974 (édité aussi par Paidos et traduit par Irene Agoff) et à partir de là il semble s'en servir. Mais, à notre avis, Lacan se trouve en ce moment là sur d'autres coordonnées qui ne sont plus celles du Séminaire qui nous occupe. Sa position et ses points de repère ne sont plus les mêmes dix ans plus tard, en 1974. De même qu'avant d'introduire le SsS comme tel, l'année, 64, il parlait déjà d'un savoir supposé (à partir du 14 décembre 1960). Mais la moindre des choses à dire c'est qu'il ne s'agit pas, pas encore du SsS en 1960. Comme non plus du même SsS en 1974. Le discours de Lacan est encore tâtonnant sur ce point en 1960. L'année 60, il essaie tant bien que mal de situer cette "formation" qui s'annonce, pas plus. Si nous voulons donc parler de ce SsS, dans un repérage plus serré, en plus du séminaire Les Fondements (où il centre sa réflexion sur le transfert, et à un point tel que celui-ci inclut, dit-il, les 4 autres “ concepts ”), il y a La Proposition de 67 (où il pose les bases de la résolution de ce transfert).

Ainsi donc, j'affirme que la traduction d'Irene Agof traduit simplement ce que Lacan dit en 1974, tandis que la traduction de Mauri, tout en interprétant, opère deux choses : et un anachronisme et un forçage sur le texte de Lacan. En cela, autorisé, fort probablement, par l'introduction des phrases sur le savoir de Freud qui nous ont occupés. C'est tout ? Non.

Puisque j'ai parlé aussi du désir en rapport au savoir, voyons comment la traduction se trouve aussi affectée sur ce point : La clé : le désir, est le désir de l'Autre, fait à nouveau buter les traducteurs officiels. cf. “ […] la dialectique du désir du sujet en tant que se constituant comme désir de l'Autre ” (notre transc ; sténo, 17 juin 1964, p. 18) “ […] la dialectique du désir du sujet comme se constituant du désir de l'Autre ” (Seuil, p. 227). Monge : “ “ la dialéctica del deseo del sujeto como constituyéndose del deseo del Otro ” (p. 256). Mauri : “ la dialéctica del deseo del sujeto en tanto se constituye con el deseo del Otro ” (p ; 259).

Quatre paragraphes plus loin on y revient : “ […] signification dialectisée dans le rapport du désir de l'Autre ” (n. t. ; sténo, p. 20 ; Seuil, p. 227). Monge : “ en la relación del deseo del Otro ” (p. 256). Mauri : “ en la relación con el deseo del Otro ” (p. 260). Conclusion : il me semble que nous sommes sujets du désir grâce au désir de l'Autre et non pas avec le désir de l'Autre. Comme si l'intrication entre le désir et le savoir pouvait se résoudre, dans la traduction qu'on vient de voir, de cette façon !

D. Transfert et savoir. Nous affirmons donc que ce SsS que Lacan pose clairement dans le séminaire de 64, trouve son point d'aboutissement dans La Proposition. A partir de là, s'il parle de SsS ce sera pour introduire d'autres problématiques que celles qui l'occupent l'année 64. Dans cette ligne de pensée, et pour aborder notre question sous un autre angle, bien que de façon superficielle, est-ce que le mathème du transfert de la Proposition, aide à soutenir ou bien conteste cette traduction Ss au S ? S'il est vrai, comme nous l'affirmons, que le SsS vient se substituer chez Lacan au sujet de l'inconscient (“ notre impasse ”, dira-t-il : Proposition, p. 19), alors quand il parle de SsS comme étant le pivot (“ d'où s'articule tout ce qu'il en est du transfert ”, ibid), le support du transfert, il est en train de parler, plus que d'une fiction, plutôt de cette “ formation de veine comme détachée du psychanalysant ” (Proposition, p. 20) et imposée parfois, par celui-ci, au psychanalyste. Et s'il parle de Freud ce n'est pas tant de la personne Freud que du nom “ Freud ”, l'auteur Freud, de ce que ce dernier supportait venant de ses patients depuis sa place de SsS.

Mathème du transfert : S…….. .....Sq

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s (S1, S2,… Sn) (Proposition, p. 19)

Le décalage entre la première ligne des lettres et la deuxième montre bien, avec le pointillé, que le 1er S, pour le signifiant “ transfert ”, concerne directement, même de façon souple, et vise l'analyste (Sq). En revanche le petit s, qui représente le sujet, la signification “ analysant ”, est, lui, mis en rapport direct avec ses propres signifiants qui contiennent un savoir qu'on peut dire en progression. Mais vers quoi ? Et là on retrouve le désir. La progression de ce savoir est vers ce désir enfermé dans ses signifiants qui constituent ce désir insu. La barre exprime déjà assez le peu de perméabilité entre la première ligne de signifiants et la deuxième. Néanmoins c'est Sq qui garantit cette progression du fait d'être mis par l'analysant --comme le décalage des lignes le montre--, en position de pouvoir témoigner du devenir de ce savoir. Ici se réalise la dimension de supposition, puisque la barre empêche tout rapport réel vis-à-vis de ce savoir. –Dans un sens comme dans l'autre.

Conjecture. Nous croyons qu'avec l'accent mis de cette façon dans la version du Seuil sur la dimension d'un savoir réel et non pas sur le savoir supposé, les traducteurs essayent à leur façon de rendre compte de cela, et leur choix de traduction montre précisément cette distance qu'ils essayent de marquer entre un savoir réel et un savoir supposé. Il ne s'agit plus ici d'un seul savoir supposé en jeu dans les rapports analytiques (intension et extension), non, mais de l'existence, quelque part, chez Freud, par exemple, que ce soit de son vivant ou pas, de ce lieu qui a en effet existé, d'un savoir réel (contenu quelque part chez “ Freud ”).

Et ce savoir, il serait si réel, que tout sujet ne peut qu'être supposée à ce savoir, non pas investi de ce savoir par son analysant, mais seulement mis en référence à ce savoir, ce qui est en contradiction flagrante avec le fait que Lacan, toujours dans la Proposition, situe l'analyste en relation directe à ce savoir de ce sujet supposé (p. 20). De là découle que l'analysant, lui, est en relation seulement indirecte à ce même savoir (la parenthèse). C'est de la résolution au bon endroit de cette tension (les rapports complexes entre savoirs et désirs), que la fin de l'analyse est possible.