"La loi de Téhéran" et "Drive my car"

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tu marcheras sur l'eau

Réalisé par Eytan Fox Avec Lior Ashkenazi, Knut Berger, Caroline Peters Film britannique, israélien, allemand. Genre : Drame, Policier Durée : 1h 44min. Année de production : 2004 Titre original : Walk on water...

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Drive my car

« Drive my car » et « la loi de Téhéran. »

 

Cette rentrée cinématographique me semble être dominée par deux films ; « La loi de Téhéran » de Saeed Roustayi

https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19590055&cfilm=273179.html

Et « Drive my car » de Ryusuke Hamaguchi qui a été récompensé à Cannes et fait l’objet de tous les éloges.

https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19593360&cfilm=293106.html

 

Concernant le premier, si le réalisateur m’est inconnu, ce n’est pas le cas de l’ensemble des cinéastes iraniens de la jeune génération qui à la suite du génial et trop tôt disparu Abbas Kiarostami font honneur à cette profession. Et le film est en effet tout à fait remarquable par sa capacité à se jouer de tous les pièges habituels à ce genre de film supposé être un film policier et qui se révèle une excellente réflexion sur la politique de lutte contre la drogue dans un pays où règne bien sûr la corruption mais où surtout se confirme une nouvelle fois que l’on ne saurait lutter contre ce fléau par une intensification de la répression. De même que l’on n’apporte pas la démocratie avec des chars, comme le soulignait déjà Jacques Chirac (paix à son âme) on ne résout pas la question de la drogue avec des solutions simples qu’elles soient laxistes ou répressives, le résultat se révélant sensiblement le même.

 

Pour ce qui concerne « Drive my car » le premier obstacle à franchir concerne sa durée. Trois heures enfermés dans une salle de cinéma pourvu du masque obligatoire et du pass sanitaire dans des conditions de confort et de climatisation pas toujours optimales, n’est certainement pas à négliger.

 

Une fois cet obstacle franchi on est confronté à un cinéma qui affiche son ambition et sans doute parvient-il en partie à y satisfaire, mais à mon sens pas totalement.

 

Le drame se joue donc à 4 personnages plus l’un en plus comme dans un cartel, le chauffeur de la voiture une femme dont l’histoire se révélera assez semblable ou du moins complémentaire de celle qui nous est contée.

 

Le personnage central est un metteur en scène qui doit monter lors d’un festival « Oncle Vania » d’Anton Tchekhov. Les deux autres sont sa femme disparue deux ans plus tôt, l’amant de celle-ci et enfin la troupe des acteurs qui tous parlent une langue différente, ce qui n’est évidemment pas un hasard. Parmi eux, une jeune femme qui s’exprime uniquement dans la langue des signes ce qui donne un charme certain à ses apparitions.

 

Je n’insisterai pas sur les qualités du film qui sont louées à juste titre par l’ensemble de la critique mais plutôt sur ses défauts. Le premier tient à la prestation peu crédible de l’acteur qui incarne l’amant. La seconde tient au caractère fondamentalement intellectuel du propos. Dans une des scènes le metteur en scène voyant jouer deux actrices remarque qu’enfin il se passe quelque chose entre elles qu’il s’agit à présent de faire partager au public. Or c’est précisément ce qui, me semble-t-il, manque au film.

 

S’agissant de la réflexion, elle porte sur deux points, la question de la vérité et celle de la culpabilité. Malgré des preuves qui s’accumulent et que l’on met volontairement devant ses yeux de façon de plus en plus incontournable, le personnage central refuse de les voir. Il en résulte un drame que l’on ne révélera pas mais qui va hanter ce dernier.

S’agit-il d’un manque de courage ? En fait il s’agit bien plutôt d’une situation dans laquelle la perversion joue son rôle. Ne pas reconnaître la vérité c’est vouloir maintenir la jouissance liée à la situation du voyeur, situation dans laquelle chacun sait que l’autre sait mais qui doit rester non dite. En parler c’est rompre le charme, situation dans laquelle il n’y a aucun retour. Un instant suffit pourtant, un échange de regards dans un miroir, et le voyeur se voit démasqué sans aucune possibilité de retour en arrière.

 

Faut-il aussi noter la question du deuil comme l’un des thèmes du film. Elle nous est, à juste titre proposée, comme étant liée à l’acceptation d’une perte de quelque chose de soi comme nous l’a si bien fait entendre Jean Allouch.

 

Je n’en dis pas davantage, car je m’en voudrais de vous priver du plaisir de la découverte et j’espère vos propres commentaires

 

Laurent Le Vaguerèse

Comments (1)

Voilà ce que j'ai écrit le lendemain du visionnage du film :

Je ne me suis pas ennuyée une minute durant les trois heures. Je ne peux pas dire que je n'ai pas aimé le film. A plusieurs moments, dans ma tête, j'ai été agréablement saisie par les trouvailles au niveau des images (le plan qui nous laisse avec la rambarde de sécurité du bateau vue de surplomb et la mer, et rien d'autre à l'image que ces deux choses, si ce n'est le mouvement, par exemple) comme au niveau du scénario (la comparaison entre une obsession légèrement nymphomaniaque et la lamproie accrochée à son rocher).

Et pourtant, je suis ressortie pas convaincue. C'est un film assez dichotomique. Y a la vie, y a la mort. Y a de la poésie et des choses très crues. Y a de la beauté (des images, des paysages du Japon) et de la bassesse (qui motive les agissements humains). Y a de la folie, à la fois atroce et féérique.

Et l'on ressort avec le sentiment d'avoir pris quelques leçons sur le genre humain, sur sa petitesse, mais le sourire aux lèvres. C'est noir, mais beau. Et ce n'est pas tant la noirceur qui serait magnifiée en elle-même, c'est pas du Baudelaire, hein. Non, c'est noir et à côté, y a du beau. Et moi, ça ne me va pas. Je trouve que ça manque un brin d'austérité, de gravité, et que le beau, au final, couvre, recouvre, la noirceur de notre condition sans que cela ait du sens. Même si le sens avait été qu'il y a un non sens entre ces deux pôles de l'existence, cela m'aurait convenu peut-être. Mais non, il y a quelque chose de sucré dans le film qui domine.

Et puis, il y a des facilités qui ne sont pas suffisamment poétiques pour être autre chose que des facilités. On comprend très vite, trop vite à mon goût, que le metteur en scène jouera ce rôle qu'il dit ne plus pouvoir jouer et l'on comprend qu'il le jouera parce qu'il fera le voyage intérieur pour pouvoir le jouer (c'est un film initiatique). Le rapprochement des destins entre le metteur en scène et le chauffeur est à la fois insensé, surnaturel (ce qui range le film dans un registre légèrement féérique, un brin fantastique) et naïf, trop enfantin. Le voyage intérieur qui se double d'un vrai voyage vers un hier qui ouvre sur demain, c'est couru d'avance aussi.

Il y a une trouvaille dans l'idée de cette sexualité d'Eto qui jouit des histoires qu'elle se raconte. J'aime bien cette trouvaille. Mais là aussi, il y a quelque chose qui ne va pas avec le fait que lui, il est confronté à sa basse humanité. Si c'est de nos bassesses dont il est question, alors il faut dire la banalité affligeante des scénarii qui nous font jouir. Si l'on bascule du côté d'une jubilation tout autre qui réécrit ce qu'il en est de la sexualité, alors c'est notre condition qui est réécrite et je ne vois pas la cohérence avec les petites bassesses culpabilisantes du compagnon d'Eto.
Voilà ce que je peux dire de ce qui ne m'a pas convaincue dans ce film.

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