Le travail Psychanalytique : compte rendu du Colloque de la SPP par André Green

LE TRAVAIL PSYCHANALYTIQUE

DIALOGUES ENTRE LA SOCIETE PSYCHANALYTIQUE DE PARIS ET SES INTERLOCUTEURS

MAISON DE L'UNESCO

23 / 24 NOVEMBRE 2002

SYNTHESE PROVISOIRE

Ainsi que les organisateurs du colloque en avaient l'intuition (voir page 1 du programme), il s'est confirmé que l'attente du public était d'assister à des échanges entre membres des diverses sociétés, pour les entendre discuter autour de thèmes importants dégagés par l'examen de la littérature psychanalytique des dernières années.

Il faut souligner, au préalable que la salle de la Maison de l'Unesco qui accueille 1350 places n'a pas désempli durant ces deux journées de samedi et dimanche.

À cet égard, il a bien semblé que ce qui était retenu correspondait bien à ce qui éveillait la curiosité du public.

Les huit dialogues du colloque ont donné lieu à des échanges qui ont tenté d'apporter des réponses diverses, mais qui malgré leur diversité, ont montré que les psychanalystes sollicités et appartenant aux sociétés créées postérieurement à la S.P.P. se sont retrouvés nettement plus réunis par un socle commun que séparés par des divisions insurmontables.

Aussi ce colloque a montré que l'héritage issu de Freud et de Lacan avait été maintenu vivant, tout en faisant l'objet d'un examen critique qui démontrait bien le caractère vivant et actif de la psychanalyse. Il y a donc là, à la fois une communauté d'esprit et un respect des différences . Cependant, les conditions de cette circulation entre des idées et des concepts, même différemment interprétés, devrait reposer sur la base commune de l'accord concernant les conditions de la pratique psychanalytique en dehors desquelles le débat n'aurait pu avoir lieu car s'adressant à des modes d'exercice par trop différents.

À cet égard, on peut affirmer que la ligne de partage ne sépare plus les lacaniens des non lacaniens car les lacaniens engagés dans le débat ou les mouvements issus de la postérité lacanienne, partageaient avec les autres des références convergentes en ce qui concerne la pratique psychanalytique. De toute manière, aucune directive institutionnelle ne saurait imposer des limites à la diffusion de la pensée psychanalytique.

Il n'est pas possible d'entrer dans le détail des débats, mais, j'ai, dans ma conclusion, insisté sur la situation fondatrice de la rencontre psychanalytique qui constitue le sol de toute théorisation et qui engage la spécificité du mode de pensée psychanalytique qui est si difficile à mettre en évidence et à reconnaître et dont il n'est pas toujours évident de situer les nuances justifiant telle ou telle divergence.

Ont été envisagés les limites et les obstacles à l'établissement d'une telle situation fondatrice, les occasions où celle-ci doit être modifiée par rapport à son objet (par exemple la psychosomatique), les modes de pensée originaux qui s'en dégagent et qui diffèrent du modèle de la névrose, sur lequel Freud s'est appuyé majoritairement.

On est revenu sur la source inépuisable de réflexion que constitue le concept de pulsion, qui est toujours vigoureusement défendu en France alors qu'il est souvent abandonné à l'étranger et qui explique la nécessaire formulation métaphorique des manifestations qui en sont l'expansion et la transformation, mais aussi bien la source des difficultés ou l'occasion d'obstacles à l'évolution de la cure.

Les catégories lacaniennes ont fait l'objet d'une discussion sur les différentes manières de les comprendre en fonction des contributions théoriques d'autres auteurs majeurs de la littérature psychanalytique contemporaine (Winnicott, Bion…).

D'une manière générale, on peut dire que la prise en considération des paradigmes autres que la névrose ont été de puissants stimulants à l'avancement des idées en psychanalyse, sans renoncer à l'importance des intuitions majeures de Freud.

Il semble que l'élaboration en cours est destinée à se poursuivre, en enrichissant la panoplie des concepts psychanalytiques qui pourraient être interprétés maintenant en rapport avec certaines nouvelles normes de savoir, rattachables à l'épistémologie moderne. À cet égard, Freud pourrait être considéré comme un précurseur de la complexité et ce sera sans doute l'une des tâches de la psychanalyse contemporaine d'explorer les voies par lesquelles le savoir psychanalytique pourrait rejoindre les préoccupations dans un champ commun d'intersection.