Associations libres

Autres articles de l'auteur

Zéro de conduite pour le directeur de l'Inserm : les organisateurs de la pétition s’expliquent devant les journalistes

À la table pour répondre aux questions de la presse se trouvaient réunis mardi 21 mars un certain nombre de spécialistes compétents en matière de prise en charge psychologique et psychiatrique des enfants. Les auteurs de la pétition s'avérant nettement plus...

Lire la suite

Réponse de Bernard Basset aux questions des associations

Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint les premières réponses aux questions qui nous ont été posées suite à la réunion de concertation du 10 janvier dernier : 1/ Questions relatives aux dispositions du projet de décret en Conseil...

Lire la suite

Tous psychothérapeutes ?

Proposé en octobre 2004, l'amendement Accoyer a entamé en France un processus dont les effets secondaires sur le milieu analytique sont loin d'être négligeables et dont on commence seulement à mesurer les effets. Il a par exemple fait découvrir à...

Lire la suite

Pages

Associations libres

Chaque chose en son temps. Dans trois mois environ, le texte voté à L'Assemblée Nationale, puis par le Sénat reviendra devant les Chambres. Si l'on doit porter une grande attention au contenu du texte actuellement retenu dans l'amendement Mattei, ainsi qu'aux modifications susceptibles de lui être apportées lors de son examen en deuxième lecture, 1 il me paraît utile de tenter aussi de comprendre le comportement du mouvement analytique au cours des derniers mois et de dégager quelques enseignements pour l'avenir.

Rien ne me paraît lisible dans le déroulement des événements récents si l'on ne fait pas un bref retour sur l'histoire de ces dernières années. Reprenons à la Dissolution de l'École Freudienne de Paris. Au cours des années précédant la Dissolution, beaucoup (tous ?) se sont interrogés sur la meilleure façon de contrer l'irrésistible ascension de Jacques-Alain Miller et ce, dans une atmosphère de fin de règne de plus en plus pesante. Toutes les manœuvres se sont pourtant avérées de peu d'effet. Lacan, qu'on le veuille ou non, a remis les clés de son héritage théorique à son gendre au grand dam de tous les autres prétendants.

Après un bref intermède, la quasi-totalité des anciens membres de l'École Freudienne de Paris se sont retrouvés hors de l'École où se trouvait Lacan lui-même. Leclaire, Dolto, Safouan, Clavreul, O. et M. Mannoni, G. et E. Raimbault, C. Melman etc… mais aussi la génération montante A. Didier-Weill, Erik Porge, J. Hassoun, C. Rabant J. Allouch, G. Le Gauffey, J. Nassif, on m'excusera de ne pas les citer tous. Dans l'École de la Cause Freudienne n'est restée que la garde rapprochée de Jacques-Alain Miller (Eric Laurent et quelques autres) accompagnée de rares figures historiques qui se sont prêtées au jeu des révérences.

On est alors devant une situation complètement invraisemblable, dans laquelle chacun détient une part de l'héritage de Lacan et bien qu'en situation de faiblesse apparente à la mort de Lacan, Jacques-Alain Miller détient alors avec les séminaires et le choix fait par Lacan, une position clé dont les uns et les autres vont tenter, mais encore une fois sans succès, de le déloger. Cet héritage et cette position, il va les faire fructifier à tel point que non seulement son mouvement ne disparaît pas mais qu'il se développe partout dans le monde grâce à des méthodes extrêmement efficaces et une détermination digne des meilleurs politiques. II mène ceux-ci jusqu'au point d'envisager une bataille frontale avec l'IPA, bataille à laquelle il préfère cependant mettre un terme pour tenter via des contacts en Amérique du sud, un rapprochement qui s'avérera sans suite. (voir l'épisode Etchegoyen2)

De l'autre côté, et pour aller vite, les barons se déchirent et les groupes se fragmentent jusque vers la fin des années 80, incapables de mettre un peu de raison dans leurs rivalités personnelles. Lassés de ces batailles incessantes une part importante des psychanalystes préfère rester à l'écart des luttes de pouvoir et ne fréquente les associations qu'en de rares occasions. Pendant ce temps aussi, se développe toute une série de psychothérapies ou assimilées dans un champ que désertent les psychanalystes eux-mêmes, bien trop occupés par leurs querelles internes pour s'apercevoir que le monde autour d'eux est en train de changer.

À partir des années 90 le mouvement de balancier reprend dans l'autre sens. Les associations nées de la « Dissolution » cessent de se diviser et chacune établit son territoire cherchant à former le maximum de postulants, multipliant les enseignements. Des regroupements nationaux (inter-associatif) puis internationaux se mettent en place (Inter-associatif européen", "Convergencia"). Dans ces derniers cependant, la règle une association une voix donne la part tellement belle aux "petites associations" que la situation de ces regroupements, leur stabilité, leur efficacité, s'avère des plus précaire.3

Ces regroupements associatifs mettent en contact les frères-ennemis d'hier et ceux-ci finissent par comprendre qu'il est grand temps pour eux de faire taire leurs querelles.

Mais quelles limites donner à ce nouveau rassemblement ? doit-on et peut-on y inclure tout à la fois la Société Psychanalytique de Paris toujours dans sa majorité violemment hostile aux lacaniens et l'École de la Cause Freudienne. Autour d'un petit noyau et grâce notamment au travail de Jacques Sédat et de membres de l'APUI, association née de l'initiative prise par S. Leclaire en 89, des contacts discrets se nouent notamment avec la SPP, autour de débats informels dans un cadre propre aux échanges cordiaux ; c'est ce que l'on appellera plus tard le "groupe de contact" ce n'est pas le seul mais retenons pour l'instant celui-là.

Ce rapprochement avec la SPP se paie d'un prix, une certaine normalisation des pratiques, une certaine respectabilité mise en avant qui, si elles n'épuisent pas l'opposition d'un très grand nombre de membres de la SPP à l'égard des analystes lacaniens toujours entourés d'une odeur de poudre, permettent néanmoins des échanges fructueux et au début du nouveau millénaire un colloque de la SPP se tient à l'Unesco où pour la première fois certains analystes lacaniens sont officiellement conviés : Patrick Guyomard et Monique David-Ménard, tous deux de la Société de Psychanalyse Freudienne. Les divergences demeurent évidemment et les gestes officiels se font rares, mais ils existent et se multiplient même.

Le choix est donc scellé : l'union réalisée se fera bien mais se paie de la mise à l'écart de l'ennemi commun : l'École de la Cause Freudienne

Même si Christian Vasseur qui est à l'origine du fameux amendement se réfère d'abord à sa position de président de l'Association Française de Psychiatrie, ses liens avec la SPP ainsi que le fond de sa proposition font supposer qu'il a l'aval au moins implicite de la SPP4. La première réaction de cette association est d'ailleurs favorable à l'amendement Accoyer qui est loin de déranger ses plans. Dans un premier temps Jacques-Alain Miller pense pouvoir s'en sortir en proposant de rivaliser en terme de respectabilité avec les autres associations et multiplie les ouvertures pour réintégrer le groupe constitué sans lui5. Il propose d'engager l'ECF dans une démarche de reconnaissance d'utilité publique (comme la SPP) et multiplie les contacts avec des parlementaires et des personnalités politiques principalement à gauche. Ce faisant, il se cherche aussi des troupes pour contrer le processus d'encerclement qu'il voit se dessiner.

Il s'appuie pour cela sur les psychothérapeutes qu'il vouait encore il y a peu aux gémonies et mobilise le banc et l'arrière banc de tout ce qui à gauche ou au centre peut avoir besoin de se montrer. Bernard Kouchner qui se débat avec un rapport fâcheux sur l'Indonésie effectué pour le compte du groupeTotal (et qui fut bien près d'être à l'origine du statut des psychothérapeutes), y côtoie ceux qui se voient déjà dans le fauteuil de Jacques Chirac comme François Bayrou et plus récemment le Dr Pelloux, urgentiste courageux qui a dénoncé la carence gouvernementale durant la canicule de l'été 2003, car son intervention est à même de rappeler au ministre de la santé l'épine qu'aura constitué sa gestion de la canicule en France et par là même de le fragiliser.

Lors de la fameuse rencontre avec Jean-François Mattei réunion à laquelle J-A Miller convié s'est fait excuser (il faut dire qu'il n'avait pas ménagé le ministre auparavant, ce qui le plaçait en position quelque peu inconfortable et très minoritaire dans cette assemblée) les choses sont claires et ne feront ensuite que se confirmer. Mattei a choisi de s'appuyer sur les associations représentées au sein du « groupe de contact » et d'isoler Miller qui, lui, a choisi de mêler sa voix à celle des psychothérapeutes qui n'en reviennent tout simplement pas et sont flattés d'un support si puissant à leur propre démarche de reconnaissance (pour eux - mais sans doute est-ce le cas pour nous tous - les charlatans ce sont toujours les autres).

C'est à la lumière de ce parcours qu'il faut lire les conséquences possibles et comparer l'amendement Gouteyron et de l'amendement Mattei.

Dans la proposition soutenue par le sénateur Gouteyron et « suggérée» par J-A Miller, toutes les associations psychanalytiques sont représentées et l'on voit mal comment l'organisme issu du vote d'un tel amendement aurait pu écarter l'ECF. Toutes les associations analytiques auraient dû siéger ensemble et si leurs querelles n'en auraient certes pas cessé pour autant avec les risques d'exclusion ultérieure de l'une des composantes comme c'est le cas en Angleterre actuellement (cf l'article de Véronique Sidoit dans le "petit Journal") elles auraient dû siéger côte à côte au moins un certain temps et sur un pied d'égalité.

L'amendement Mattéi écarte ce cas de figure mais en bon politique en demande davantage et monnaie son soutien en réclamant aux associations qu'on lui remette les annuaires ce qui met les associations lacaniennes dans une position très inconfortable car cette mesure suppose une reconnaissance officielle de la psychanalyse associée à un inévitable contrôle du fonctionnement de celles-ci.6Ce qui n'est pas sans provoquer un émoi certain dans le landernau psychanalytique et ce bien au-delà des limites de l'ECF.

Miller, pour tenter de renverser la tendance, n'a plus pour lui que d'essayer de profiter de cette émotion en ralliant à lui ceux qui n'acceptent pas cette soumission au ministre de la Santé et qui voient trop bien ce que l'action de ce nouveau Raminagrobis pourrait à terme avoir de menaçant pour ses petits protégés. Pour cela, il lui faut mener sa bataille au plan politique en pariant sur une possible déstabilisation à terme et du gouvernement et du mouvement psychanalytique. Pour cela, il s'est lancé dans une série de contacts mettant toutes ses forces dans la bataille en province et en Europe, multipliant interventions et meetings, ainsi que les appels du pied à ceux que les décisions prises en leur nom et sans les consulter par les membres du groupe de contact laissent pantois.

Au plan politique, le calendrier est plutôt chargé avec l'inévitable retour à l'occasion des élections régionales du vote Le Pen et des soubresauts prévisibles qu'il ne saurait manquer d'entraîner, des réformes liées au déficit abyssal de la Sécurité Sociale, et des solutions hygiénistes et scientistes prêtes à se manifester à cette occasion comme les documents récents et les appuis qu'ils ont reçus nous le font craindre.

Du côté des associations psychanalytiques, les prises de positions du « groupe de contact » si elles ont rassuré les uns ont consterné les autres.

Mais, ce qui assurément constitue un véritable scandale, c'est le comportement de ces groupes vis-à-vis de leurs membres, ainsi que de l'ensemble du mouvement psychanalytique. Les communiqués issus de ce groupe font en effet sans cesse état des 3000 ou 4000 membres qu'ils « représentent » et ce sans qu'à aucune occasion il n'ait été possible d'en débattre publiquement, sans que jamais les 4000 muets pas plus que les autres, n'aient eu la moindre possibilité d'exprimer leur avis à l'exception du forum mis en place - hors toute association et en toute indépendance -sur le site œdipe.

Ainsi donc il semble que jamais on ne parviendra à faire tenir ensemble le mouvement psychanalytique français ; Qu'il faille toujours que la vieille manie de la suppression du wagon de queue resurgisse pour faire semblant de régler les problèmes que rencontre le mouvement psychanalytique, solution que le regretté Alphonse Allais préconisait pour résoudre l'encombrement du métro parisien, et qu'il faudrait donc en conséquence, se résigner soit à un regroupement des lacaniens sans la SPP soit un regroupement avec la SPP mais cette fois sans l'ECF.

Pour ma part et sans aucune illusion ni sur les uns ni sur les autres et sans doute précisément pour cette raison, ce qui ira dans le sens d'un regroupement sans exclusive de l'ensemble du mouvement psychanalytique recevra mon appui. Ce qui dénoncera la politique hygiéniste et la mise en fiche de la population qu'elle se nomme PMSI ou qu'elle adopte toute autre dénomination aura également mon approbation.

Je considère que les problèmes de fonctionnement démocratique des associations ne sont pas le fait de l'une ou l'autre mais concernent l'ensemble des associations psychanalytiques. Tout comme le rapport au politique et au malaise dans la civilisation, ils appellent une réflexion sans exclusive.

Étant donné le rôle joué ces derniers mois par le site oedipe dans la tenue effective d'un débat démocratique, j'appelle à une réflexion sur la suite à donner dans le cadre du développement des nouvelles technologies aux échanges entre les psychanalystes de toute obédience. Une rencontre sur le thème : « internet, une nouvelle responsabilité pour les psychanalystes » se tiendra à Paris à l'initiative de Marie-Claude Labadie et laurent Le vaguerèse le dimanche 21 mars prochain à 16h. On y débattra des possibilités de travail entre psychanalystes ouvertes par l'existence du réseau internet. Cette rencontre est ouverte à tous, membres ou non d'une association, se référant à la psychanalyse dans sa pratique et sa réflexion. Pour y participer je vous invite à vous faire connaître à l'adresse habituelle : oedipe@noos.fr. Nous conviendrons des modalités pratiques en fonction du nombre des participants. Il ne s'agira pas de créer une nouvelle association, il y en a bien suffisamment et de toutes sortes pour qu'on ne s'avise pas d'en monter une nouvelle, mais seulement de réfléchir à un autre mode possible d'échange de travail entre nous, sans exclusives de ceux déjà existants.

Laurent Le vaguerèse


  • 1.

    L'enregistrement des débats au Sénat est disponible sur demande à l'association : sur DVD 30 euros ou sur VCD 20 euros. Chèques à « oedipe sur internet » 6, rue Mizon 75015 Paris . Joindre une enveloppe timbrée au tarif courrier à votre adresse

  • 2.

    « le silence brisé » entretien sur le mouvement psychanalytique R.Horacio Etchegoyen et Jacques-Alain Miller Agalma diffusion Seuil 1996

  • 3.

    Jacques-Alain Miller , s'il avait jusque-là éliminé au fur et à mesure ses opposants n'a jamais eu a faire à une véritable opposition organisée. La constitution des Forums du Champ Lacanien qui se marque du départ d'une alliée de toujours, Colette Soler, a pris une toute autre dimension et provoqué une véritable onde de choc et un affaiblissement important des structures de l'ECF.

  • 4.

    Voir à ce sujet l'article sur le site de la SPP signés Alain Fine et M.Eisenstein. www.ssp.asso.fr

  • 5.

    il tente ainsi de co-signer le premier texte des associations du groupe de contact après le vote de l'Assemblée Nationale sur l'amendement Accoyer, mais sa signature n'est pas retenue.

  • 6.

    A ce propos, soulignons que la reconnaissance d'utilité publique proposée un temps par l'ECF n'apparaît à l'examen pas moins contraignante que cette remise des annuaires mais cette données est semble-t-il passée inaperçue