Roland Chemama - Christiane Lacôte-Destribats - Bernard Vandermersch : « Le métier de psychanalyste » - Erès - 185 p.

 

Ecrit par trois analystes qui collaborent au sein d’une même école, ce livre traite de la psychanalyse dans ce qu’elle a de plus quotidien. Ils interrogent leur travail avec une volonté de transmettre, concepts, définitions, technique, questions cliniques, buts, formation, actualité. Pas vraiment une révolution mais le périmètre des questions habituellement traitées est étendu en insistant sur le aujourd’hui et en questionnant non pas la psychanalyse mais le psychanalyste lui-même, au travail, partie prenante de la cure. Opération explicative concrète aux antipodes des stratosphères de la pensée.

 

Ce qui unit ces textes, même si cela ne saute pas immédiatement aux yeux, c’est l’analyste. Son désir, son acte, sa fonction, son expérience, essentiels au déroulement de la cure. Une tentative de théorisation de ce travail, de l’intérieur. Des questions telles que la routine, la liberté, l’habitude, le contretemps, la responsabilité, les limites, la pente à appuyer sur des boutons, les difficultés, sont évoquées, sachant évidemment qu’il n’y a pas de psychanalyste-type. Comment se repérer, comment penser ses interventions ? Ce questionnement, sorte de boîte à outils est bienvenu qui peut servir à tous, profanes, curieux, praticiens.

 

À propos du titre, ceux-là revendiquent l’exercice d’un « métier ». Davantage que la mise en pratique d’un savoir, ils revendiquent plutôt un savoir-faire. Des guillemets sont alternativement employés ou pas pour ce mot de « métier ». Mais est-ce que psychanalyste est un job ? Rappelons-nous le mal que s’est donné Lacan pour que la psychanalyse ne soit pas un métier mais une subversion, programme invendable aujourd’hui, hors mode, dans le discours du moment où cette discipline a tendance à disparaître dans le bouillon des psychothérapies. Aujourd’hui, faire rentrer la psychanalyse qui est au service d’une éthique du désir, dans une fonction sociale, n’est ce pas cela qui en fait un « métier » ?

 

Il arrive que l’idée d’un livre soit au-dessus du résultat. Celui-ci, sorte de séminaire à plusieurs voix, pas forcément harmonisées, évite l’écueil du colloque ennuyeux ou du groupe de travail stérile. Même si on y sent une communauté de réflexion à peu près inévitable dans les institutions où il est difficile de sortir du couloir de son école, les écoles ayant souvent une logique institutionnelle et pas analytique, il ne cède pas à la pensée unique. Quelques tics de pensée cependant, par exemple : le « sujet contemporain » par rapport à « celui d’hier ». Pour conclure, les formes de l’action de l’analyste variant considérablement d’un groupe ou d’un pays à l’autre, où l’on est à la peine si l’on essaye de superposer les définitions, ne serait-il pas judicieux par exemple de se demander simplement ce qui peut faire communauté aujourd’hui au sein de tous ces modes d’être analyste ?

 

 

Roland Chemama est psychanalyste à Paris. Il a été membre de l’École Freudienne de Paris, président de l’Association Freudienne Internationale devenue l’Association Lacanienne Internationale, ainsi que de la Fondation Européenne pour la Psychanalyse.

 

Christiane Lacôte-Destribats est psychanalyste à Paris, elle a été membre de l’École Freudienne de Paris et présidente de l’Association Lacanienne Internationale.

 

Bernard Vandermersch est psychiatre, psychanalyste à Paris. Il a été membre de l’École Freudienne de Paris et président de l’Association Lacanienne Internationale.

 

Anne Djamdjian

16.09.2016