La troisième proposition d'octobre de Jacques Lacan

José Attal, La passe à plus d'un titre. La troisième proposition d'octobre de Jacques Lacan. Préface de Jean Allouch. Cahiers de L’Unebévue, l’unebévue éditeur, 2012

Ce dernier ouvrage de José Attal renvoie, d’emblée, à une difficulté, celle de la variation des énoncés de Jacques Lacan tout au long de son oeuvre et, plus précisément, de ses propositions.

L'une de celles-ci, et non point des moindres, peut-être même la plus fameuse, est celle de la passe. La passe a été longtemps considérée chez les lacaniens comme le possible coeur de l'expérience analytique, à tout le moins le nec plus ultra pour qui souhaitait continuer ladite expérience en passant du divan de l'analysant au fauteuil de l'analyste. Cette “passe” constitue donc un changement de place, le tout sanctionné par un titre, AE, Analyste de l'École, faisant pièce aux autres nominations plus classiques du psychanalyste, version IPA. “La passe, ça n'a rien à faire avec l'analyse”, y insistera finalement Lacan, sans bien trop se faire comprendre.

On savait, classiquement qu’il y eut deux textes sur la passe, datés de 1967. José Attal nous amène à considérer qu’il y en eut trois. C’est le troisième sur lequel il focalise son propos. Une troisième proposition, sur la passe, donc, que José Attal, en la justifiant, demande de considérer comme “troisième proposition d’octobre 1967 sur le psychanalyste de l’école”, bien qu’elle soit de 1973… !

Au début novembre 1973, il y a, au sujet de la passe, un “nouveau départ”, de l’expression même de l’auteur. C’est au congrès de l’École Freudienne de Paris à la Grande Motte [du 1er au 4], puis dans son Séminaire Les non-dupes errent” [1973-1974] que cette troisième proposition voit le jour.

Qu’est-ce qui a permis cela ? C’est l’avancée de Lacan au moment du congrès de la Grande Motte et ses prolongements et développements dans la théorisation du Séminaire Les non-dupes errent qui suivent le congrès : “ce qui organisait la proposition d'octobre est maintenant déplacé, subverti, voir caduque sur un grand nombre de points”, dit Attal. Qui poursuit : “Trois d’entre eux ressortent particulièrement :

Le savoir textuel (le savoir inconscient du sujet, je précise pour les non-initiés) soutenu par la chaîne signifiante change de statut car il n’y a plus de chaîne signifiante, le signifiant tombe du signe.

Le temps logique (apport majeur de Lacan juste après la Guerre, Cf. Les écrits) n’est plus pertinent, il conclut de travers car il ne prend pas véritablement en compte de l’espace et du temps ensemble. La passe n’est pas un moment de conclure “conclusif”, elle est à saisir diagrammatiquement (on lira, à ce sujet, les développements, par l’auteur, du modèle du diagramme).

La formule fondamentale (de Jacques Lacan) qui signe toute la proposition d’octobre : «l’analyste ne s’autorise que de lui-même», jugée accablante, se transforme.”

José Attal de conclure : “la nouvelle proposition, troisième proposition d'octobre 1967 qui s’organise autour du fait que la passe n’a rien à faire avec l’analyse, et que celle-ci étant intransmissible, obligeant chaque analyste à la réinventer en s’autorisant de lui-même et par là de quelques autres, va s’éclairer davantage à partir de l’insistance de Lacan sur l’homologie avec l’Art, dont il prie le psychanalyste d’en prendre de la graine”. (p. 73)

C’est précisément ce sur quoi l’auteur va se pencher dans les deux derniers chapitres intitulés, respectivement, De l'art nous avons à prendre de la graine (selon l’expression de Lacan lui-même), ce qui l’incite à convoquer l’œuvre de Félix Guattari, et in fine, Le témoignage comme lieu de l'expérience même de la passe, un témoignage dès lors non plus considéré comme simple récit et donc restitution, mais comme le titre de ce dernier chapitre déjà y invite : “le lieu même de l’expérience”. Ainsi conclut José Attal.

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